Texte de Clarysse

Tel est pris qui croyait prendre.

 

Mon grand-père avait choisi cet almanach pour la photo, pas pour la célèbre phrase de la fable de La Fontaine intitulée le rat et l’huitre  : « tel est pris qui croyait prendre ».

La photo, c’est un pêcheur, cigarette au bec, en train de sortir un poisson de l’eau avec une épuisette.

Moi je détestais cette scène du pauvre brochet (en était-ce un d’ailleurs ?) cherchant désespérément à respirer.

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Et fermer les yeux..

L’effleurer avec le son de la musique pour écouter la meilleure volonté du monde

L’épouser avec le geste pour s’approcher d’individus invisibles

La saluer avec le regard pour illuminer sa beauté tragique

Et fermer les yeux avec bien-être pour ne plus rien oser dire…

Bouger avec la lumière pour se sentir grandir

Glisser avec son corps pour se détacher des autres

Regarder avec les yeux de l’autre pour éprouver du mépris de soi.

Et fermer les yeux avec pudeur pour simuler l’indifférence…

Se courber avec harmonie pour esquisser un vague sourire

Echanger avec l’espace pour prendre inspiration

Etre ensemble avec plaisir pour très longtemps.

Et fermer les yeux pour ne pas se heurter à l’infranchissable..

Clarysse

Un rêve et un corps

Il y a un rêve et un corps, le rêve est dans le corps.
Elle entre en scène, glisse, le sol l’absorbe. Ses jambes s’écartent, hésitent, ses bras se tendent vers le ciel pour redescendre enfin.
Toujours recommencer et toujours repartir..
Ses ailes sont ouvertes et puis raclent le sol ; elle hésite, revient, se reprend, souffle, recule et tombe. Puis se recroqueville et rentre en elle-même.
Au sortir de ses rêves agités, tout son corps se cambre et se tord de spasmes; sous les secousses du reptile, la douleur s’exprime, sensuelle.
Ses mouvements bégaient au rythme d’un métronome : tremblements réguliers de bête agonisante.
Son regard devient flou, ses yeux suivent ses mains, suppliantes.
Vertiges au coeur des métamorphoses ; la femme a enfanté. Elle se fond dans le sol, son corps git sans vie et ses rêves sont nés.

Clarysse

Avant …

Elle cherche l’horizon mais tout est obstrué par des murs de béton.
Le bruit des vagues lui revient en premier mais ce n’est qu’un bruit : où est la mer ? Qu’ont ils fait de l’horizon ?
Elle avait gardé tellement de souvenirs. L’air saturé d’iode lui chatouille les narines.
Elle ferme les yeux et entrevoit les images d’avant : un scooter cahotant sur les sentiers caillouteux, un pneu crevé sur une route, les paysans accourant avec des chaises pour que les filles puissent s’asseoir, de l’eau et du raisin.

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Au bord de la Gagnières

Quand j’écrivis les pages suivantes, ou plutôt en écrivis le principal, je vivais seule, dans une clairière pleine de lumière, à un mille de tout voisinage, en une maison que j’avais bâtie moi-même en pays ardéchois, au bord de la Gagnières, rivière torrentueuse qui tire son nom des pépites d’or qu’elle abrite et ne devais ma vie qu’au travail de mes mains.
J’habitais là deux ans et deux mois; à présent me voici pour une fois encore de passage dans le monde civilisé.
Ce n’est pas la Gagnières qui me procurait de quoi vivre. En effet les pépites d’or n’ont d’intérêt que pour celui qui aime l’argent ou qui souhaite en gagner ; or l’argent ne m’intéressait guère.

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Moi, mon seul horizon c’était…

Moi mon seul horizon, c’était l’extase. Mais cet état de ravissement que je recherchais absolument m’a apporté de belles déconvenues et m’a conduit directement en enfer.

Je m’appelle Félix, j’ai 31 ans et cela fait seulement trois ans que je suis redescendu dans la vraie vie.

J’ai commencé à me droguer à l’âge de 16 ans, d’abord occasionnellement à des soirées ou des fêtes.

J’étais plutôt timide, pas sûr de moi, les filles me faisaient peur..

Mes parents m’ont appelé Félix, qui signifie « chance, bonheur » ; ou bien ils ne connaissaient pas la signification de ce prénom ou bien il s’agissait d’une mauvaise plaisanterie car le milieu où je suis né et où j’ai vécu mon enfance ressemblait plus à l’enfer qu’à la félicité. Dans la famille, le bonheur ne faisait pas partie du vocabulaire.

Je ne faisais pourtant pas partie du schéma habituel des quartiers dits difficiles, de la violence ou de la déscolarisation. C’était autre chose, mes parents avaient de l’argent mais pas de cœur ; les coups de trique et les humiliations jalonnaient ma vie.

Un jour, ou plutôt une nuit, mes copains m’ont proposé de l’ecstasy, promesse de bonheur ; j’ai essayé et ce fut le début d’une vraie histoire d’amour et de dépendance entre la drogue et moi. Par la suite, avec le LSD, j’ai fait la connaissance de l’extase.

Je ne vivais plus que pour connaître ces moments de béatitude que j’ai encore aujourd’hui beaucoup de mal à décrire et les redescentes sur terre étaient d’une violence inouïe doublée d’une souffrance physique intolérable. Je devais donc trouver toujours plus de drogues, toujours plus fortes pour éviter l’enfer.

Je ne vivais plus le monde , j’étais ailleurs et en danger de mort. Je me tuais doucement tout en me laissant bercer par un monde artificiel de douceur, de couleurs, de lumières et de musique.

Plusieurs doses trop fortes ont failli m’emporter et je disais alors que la vie sans drogue ne valait pas le coup d’être vécu. C’était donc une spirale sans fin.

La dernière overdose m’a conduit directement aux urgences et j’ai été pris en charge par la médecine.

De cures de désintoxication en rechutes , je suis enfin revenu dans le monde réel ; le choc fut rude parce que je ne savais pas où était le bonheur, personne ne me l’avait appris.

Je vis encore beaucoup de douleurs mais suis à la recherche de joies simples ; l’extase existe sûrement ailleurs et c’est à moi de la trouver.

Clarysse