Judith
Quelle direction prendre à ce carrefour macabre
En face, derrière, à droite, à gauche,
Pourquoi choisir ?
Abel
Est-ce une colline de pavés gris, nombreux
Comme les morts, blocs rectilignes
Comme les ordres qui claquent, entends-tu, vois-tu ?
Jacob
Faim, froid, malheur
Peur, violence, douleur
Et la tendresse ? oubliée ?
Max
L’Histoire retiendra-t-elle
Les petites histoires des miens
Je peux compter sur toi ?
Hélène
Murs de verre, si hauts
Carrés, ronds, en triangles,
Un caillou nucléaire les brisera-t-il ?
Haruki
La mer comme frontière
Les typhons comme compagnons
Notre rencontre fut belle pour toi ?
Oscar
Le manège coloré tourne, joie
La portion du mur exhibe la terreur
N’est-ce pas la richesse des contrastes ?
Emmy
Écoute les bruits, les cris
La propagande bat son plein
C’est cela la terreur ?
Jean
Mon masque à gaz ne me cache pas
Et mon patriotisme est au firmament
La guerre est-elle là à Berlin ?
Oscar
La mère travaille à l’usine
Ses petites mains si fines
Produisent des munitions – est-ce pour la paix ?
Judith
Jaune de pacotille pour le métro qui me dépose
Traverse le pont
Dépêche-toi, rattrape tes instants de vie perdus
Haruki
Dépotoir urbain
Interdit de marcher le nez en l’air
Traverse l’eau l’autre rive doit être plus paisible
Oscar
Chante à tue-tête
Donne-toi du courage
Pour traverser le pont repoussant !
Emmy
Que la Spree arrose des champs de roses
Touristes arrêtez de la polluer
Retournez à vos propres villes !
Max
Je t’emmène au fil de l’eau
Laisse-toi glisser
Ferme les yeux et surtout profite !
Hélène
Du palais des larmes
Je te murmure
Ne te laisse pas écraser par l’Histoire
Jean
Rendez-vous au Monbijou theater
Tu me verras sur scène en Marlène
Filme-moi pour la postérité
Emmy
Regarde l’arbre qui pousse dans le mur de pierre
Sa force doit être la tienne
Alors, merde ! Bats-toi !
Judith
J’aimerais tant te retrouver
A la maison de verdure
Troisième étage de la glycine
Emmy
J’aimerais tant te lancer la bouée
j’aimerais tant te sauver du naufrage
j’aimerais tant abandonner mon cœur sur l’autre rive
Abel
J’aimerais tant que l’automne illumine la chaussée
j’aimerais tant que les cygnes paresseux se lèvent
Que les photos des victimes disparaissent, j’aimerais tant
Haruki
J’aimerais tant que l’arbre à l’estampe
Veille longtemps sur la belle femme
Et que son esprit s’envole au vent, j’aimerais tant
Jean
Moi qui pleure devant le béton armé
Moi qui rit du soleil qui brille
Moi qui compte les ombres qui disparaissent
Max
Moi qui devine l’étoile éclatée
Moi qui vois les angles et les saillies
Moi qui l’ai portée
Hélène
Moi qui ne me retourne jamais
Moi qui n’ai aucune mémoire
Moi qui, moi qui … je suis retournée et j’y suis retournée
Haruki
Viens me retrouver devant l’université
Tu sentiras le pouvoir des livres
Et comprendras « la ballade de l’impossible »
Emmy
Je te rejoins, toi mon poète
Sous le regard vigilant des statues
Je serai là, sereine et disponible.
Haruki
L’hôtel de Rome nous attend
Emmy
Et moi, suis-je celle que tu espérais ?
Haruki
Oui tu es ma « Naoko » rêvée.
Haruki
Beauté du dôme qui éclaire
Ce lieu de rigueur et de règles
Je ressens mon bien-être.
Judith
Jamais stèles de béton
Ne m’ont interpellée si directement
J’ai retrouvé la force du recueillement.
Abel
Scotché par la créativité
Au départ une page, un mur blanc
Puis des fresques pour la paix, des couleurs pour l’espoir.
Hélène
J’ai revécu la chute du mur
Les scènes de liesse devant la porte de Brandebourg
Et j’ai cru à la paix dans le monde.
Oscar
Ta victoire sur la maladie
Est aussi haute que la colonne de la victoire
Et la grande étoile te couronne.
Emmy
De toi Berlin ville lourde du passé
Reste aussi la douceur du Tiergarten
Et la respiration d’un vaste espace vert.
Jacob
Galerie de portraits de ceux morts pour sauter le mur
Ils sont mes frères, mes sœurs
43 km séparent les familles, les amitiés, les amours.
Jean
Quartier général du service de sécurité
Lieu de toutes les décisions de terreur et de son vocabulaire
Propagande, déportation, travail forcé, génocide.
Haruki
La réconciliation vaut bien une chapelle
Circulaire d’argile crue, bible ouverte sur le pardon
Adossée à ce jardin partagé qui transpire la quiétude.
RMQ