Au-dessus de ma table d’architecte, le tableau d’El Greco orne le mur principal de mon atelier. Je tente de réaliser la commande de la ville nouvelle de « Tentation », sans toi : que l’exercice est périlleux ! Toi le peintre, moi le bâtisseur, on se complétait, mais c’était avant.

Aujourd’hui, je calque mon souvenir de Tolède sur la réalisation de la ville moderne. On marchait ensemble vers le sommet de la colline, moi, alerte, toi, essoufflé. Notre regard embrassait la ville et sa grandeur.

On se sentait si forts ensemble et en position dominante. Il y avait de la place pour nous deux, avec chacun son penchant. Toi heureux de la proximité avec le ciel tourmenté, moi, au cœur même de la terre, proche de l’Alcazar, le palais de mes rêves. La cathédrale accueillait ma ferveur et ta rêverie. A travers les dénivellations du terrain, on retrouvait les constructions témoins des trois cultures, cohabitation possible en ces temps, comme nos différences gommées par notre amour, amour arrosé par le Tage, protégé par les cimes des arbres.

Je la dessine pour d’autres cette ville déplacée, modernisée : tout y sera, le cahier des charges couvre mes souvenirs.

Que fais-tu ce jour ? Portes-tu l’anneau d’or de Tolède ? J’ai besoin de ta main pour guider mon tracé.

Carmen m’appelle, c’est l’heure des « carcamusas », la table est dressée pour un seul convive… je mangerai pour deux.

                       Ton toujours Jean.

J’ai dormi une semaine entière avant de pouvoir me projeter vers toi et ta nostalgie. St Rémy de Provence m’agresse avec sa beauté, ton amour m’encombre.

Je ne suis plus le même, je ne peins plus, je ne sens plus les cyprès, je ne peux plus accompagner ta main.

Suis-je encore en vie ?

Le spectacle cosmique de la nuit me propulse vers la mort, le soleil m’agresse comme tes projets le font sur mon vide.

Je ne suis plus aimable, je ne suis plus, ni pour toi, ni pour moi, ni pour nous.

Mange tout le plat de viandes mijotées, je ne nécessite plus de nourritures ni terrestre, ni spirituelle, ni amoureuse.

                           Celui qui n’est plus

RMQ

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