Je touche, je tâte… la forme générale ? Plutôt rectangulaire. Un objet froid que je retourne. Ah, un creux , rugueux par endroits. Mon doigt accroche, sensation désagréable comme la râpe à gruyère. Je sens presque la douleur de la peau arrachée et le sang qui perle. Souvenir récent d’un épluchage. Au fond de cette cavité la surface est toujours râpeuse et je m’en extirpe avec soulagement. Rien d’autre apparemment à voir, enfin à sentir. Je poursuis mon investigation sur la surface externe ponctuée de vaguelettes qui m’évoquent un objet de terre cuite, un modelage que j’imagine d’un rouge brique. De l’ongle je gratte, d’un doigt je tapote l’objet qui rend un son creux. En suivant la surface légèrement bosselée du plat de la main, je rencontre deux sortes de petits mamelons que j’enserre de mes doigts. L’un est pincé et plat, l’autre rond et percé d’un minuscule trou comme d’un sein gonflé. Je divague, je pense vagues en glissant la main sur les ridules, je pense aux rides profondes de la peau. Il n’y a pourtant rien d’une représentation humaine dans cet objet. Je le retourne une nouvelle fois et pour la première fois rencontre une surface carrée lisse et douce au toucher où je m’attarde un peu. Qu’es-tu donc objet invisible ? Comment te positionnes tu ? Y a t-il un haut, un bas ? J’interprète… Objet creux destiné à être rempli. Le mamelon troué laisse passer un liquide. Distributeur d’un quelconque produit, ou bien objet artisanal, une œuvre ? Pourvu que je ne vexe personne.
Annie Brottier