La chambre bleue

Face à la fenêtre aux persiennes mi-closes dans cette chaude après-midi d’été, alanguie sur son édredon bleu à frange blanche, rideaux ouverts du baldaquin aux couleurs identiques, confortablement appuyée sur son avant-bras et dos reposant sur un épais oreiller, une jambe repliée sur l’autre, dans un relâchement total, elle s’est mise à l’aise dans un pantalon de toile ample et léger, un body pastel lui découvrant le buste.

Elle vient de poser son livre et son carnet sur le lit, s’est allumée une cigarette qu’elle laisse entre ses lèvres ; elle arrête le temps. Sa tenue, sa coiffure, sa silhouette épaisse lui importent peu, elle se sent bien et goûte sur sa peau nue l’air ambiant qui l’amollit. Ce sont les pages qu’elle vient de lire qui la font s’arrêter un instant.

Le regard perdu dans le vide, elle croise à peine celui du chat allongé sur le rebord épais de la fenêtre. Il est étalé lui aussi, dans le souffle léger de l’air qui rafraîchit la chambre. Elle le regarde à peine, mais dans ce silence partagé où quelques bruits étouffés parviennent de l’extérieur, c’est une présence en miroir qui s’impose à elle. Elle pense à Colette dans ses méridiennes, entourée de ses chats dans des poses un peu semblables mais très travaillées, ornée de falbalas aux couleurs pastel. Elle mesure à la fois la proximité et la distance qui la sépare d’elle. Les temps ont changé : elle n’est pas corsetée, apprêtée, aucune contrainte ne vient entravée son corps. Elle est une femme d’aujourd’hui libre et indépendante, qui fume et méprise le regard des autres. La sensualité de son corps lui suffit. Comme ce chat, elle goûte l’instant présent et se situe dans un monde qui lui offre la possibilité de la liberté.

Dehors son jardin sera la source de sa création : elle y peindra des hommes nus si elle veut, des monstres peut-être, des femmes au sexe vainqueur

Josette Emo

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