Julia sur la route


Et puis nous sommes partis… ensemble, toujours, même si très séparés quand
même ! J’étais si mal intérieurement, si tourmentée par notre histoire inaboutie
Nous avons repris sa voiture et laissé derrière nous Ariane et sa dépression. Ariane
et ses médicaments, Ariane et ses histoires compliquées, attirantes et diaboliques,
son passé d’artiste, ses sculptures inachevées, ses peintures tourmentées. Et tout
cela pour quoi ? Pour qu’elle finisse son parcours en hôpital psychiatrique, pour
qu’elle s’abîme dans des TS mutilantes… pour qu’elle nous apparaisse maintenant
comme absente définitivement à elle même, une femme molle, au regard vidé de
ce qui faisait sa substance, son énergie. Elle avait été mon amie, si proche, si
intime…

Mais elle avait été aussi sa maîtresse, à lui, cet homme avec lequel
finalement je pars, moi qui suis toujours là.
Malgré mes tourments, mes passions tues, ma jalousie violente, ravalée telle une
potion de sorcier qui me brulait l’intérieur du corps et enflammait mon esprit.
Ariane reste, inerte, absente à elle même et moi je pars avec lui, cet homme
malheureux, qui pleure, tordu par le chagrin d’un amour devenu impossible à
présent.
Alors j’ai tout mon temps, maintenant, pour être présente, pour me rendre
indispensable peut-être bientôt. Car je saurais me rendre indispensable, à la fois
discrète mais insistante, empathique et légère, ouverte sur une jouissance à venir,
sur une possible légèreté d’être !
Dans la voiture, je me tais. Il conduit. L’air rentre par la fenêtre ouverte, le soleil
inonde la route maintenant. Je chantonne comme à mon habitude… il se tourne
vers moi, me regarde à la dérobée…je souris, discrètement ; je presse ma main sur
son avant-bras, pour lui témoigner mon attention…pas de la compassion, plutôt
de la bienveillance… c’est ce que j’espère mettre dans mon geste.
La route est un ruban qui nous mène vers un avenir que je vais enfin pouvoir
construire maintenant que je suis débarrassée d’Ariane, ma meilleure amie
cependant. Ariane et sa créativité, Ariane et sa fraîcheur, Ariane et sa fantaisie !
Comme je l’aimais ! Avant ….que nous ne rencontrions Marcello !
Pourquoi s’est-il instantanément épris d’elle ? Pourquoi a-t-il fallu que je sois
reléguée au deuxième rôle ? Celui de la confidente qui écoute les récits des
amants qui se prennent et se déprennent. J’ai si longtemps ravalé mon dépit, ma
frustration, ma jalousie ! Mais maintenant nous y sommes… au tournant de cette
histoire. Nous étions trois, maintenant nous voici deux, en voiture ensemble, sur
cette route dont le soleil force le passage ; Ariane est entre nous mais elle est
fantôme, ombre d’elle même et je ferai tout pour qu’elle s’efface petit à petit. Je
me promets d’ouvrir Marcello à la lumière, au bonheur.
Mes cheveux blonds flottent au vent. Mon regard glisse sur le paysage, je suis
enfin tranquille. Je sais où je vais.
Ce soir nous parlerons, d’elle bien sûr ; mais aussi d’autre chose, afin d’alléger le
présent, de rendre la vie plus fluide ; je m’intéresserai à lui, à eux, mais pas trop,
juste ce qu’il faut pour mettre de l’air dans le quotidien des souvenirs…..
Tout me semble possible maintenant !

Laurence Balguérie

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