Cet amour qu’il ne savait pas voir

Les premiers soleils de mai ne semblaient les réchauffer ni l’un, ni l’autre. Ils tremblaient dedans comme de concert. Le choc émotionnel les avait percuté de plein fouet. La violence des récents événements les avait de nouveau réunis, pourtant, rien ne laissait présumer une quelconque réconciliation.

Ils s’était connus sur les bancs du lycée quand lui, né au pays l’avait vu débarquer dans son village puis, simultanément dans sa classe toute timide, ne sachant que faire de ses complexes qui semblaient l’envahir à tout instant.

Elle était orpheline  de père et de mère disparus brutalement dans un accident de voiture. D’abord placée dans un foyer d’accueil, elle allait très vite intégrer son foyer et devenir sa demi-sœur.

A son insu, son père avait lancé une demande d’adoption qui allait finir par aboutir deux ans plus tard, dans la même semaine que la rentrée en terminale.

L’adolescence portant les fruits de la germination, les deux jeunes gens allaient sympathiser rapidement, et même secrètement devenir amoureux, heureusement la bonne moralité garda autorité sur leurs sentiments.

Pourtant en devenant de jeunes adultes, la place du cœur fût bouleversée par de la jalousie, pour ne pas dire une sorte de haine larvée également en raison du respect dû à la famille.

Pour le père de Charles, Adèle dès son arrivée avait conquis tout l’espace. Sa manière d’être attentive à son bien être, la couleur de ses cheveux, son regard profond, sa façon de se déplacer et son amour pour l’automobile lui rappelait son épouse disparue, elle aussi, dans un accident.

Tout naturellement, Adèle avait suivi son beau-père sur les circuits internationaux des grands prix de Formule Un. Lui, était mécanicien metteur au point chez McLaren. Elle apprenait le métier sur le terrain en attendant de rentrer dans l’École de la Performance et de devenir pilote.

De son côté, Charles se sentant de plus en plus délaissé par ces deux là, décida de partir à Londres pour poursuivre ses études dans la finance. Il ne reçut pratiquement aucune aide financière de son père et subvint à ses besoins d’étudiant par une multiplicité de petits jobs.

Et puis, il y eut ce double événement terrible qui vint terrasser Charles et Adèle. D’abord, le père de Charles, mais surtout le protecteur d’Adèle qui disparut tragiquement d’une embolie cardiaque à bord de son bolide.

C’est par un notaire que Charles  apprit le décès  de son père. Il était invité en France pour la lecture du testament et, le testament avait révélé que le manoir familial ainsi que les trois Formules 1 de collection  étaient dédiés à Adèle. Certes, lui héritait d’une rente qui se voulait d’équivalence, mais rien qui ne vienne du patrimoine matériel ou encore de l’amour de son père.

Alors, ils étaient là, réunis sous les premiers soleils de mai. Lui était était adossé sur le dos d’une pierre tombale, inconsolable. Adèle, longtemps muette, vint le rejoindre et irrésistiblement lui glissa une main dans les cheveux. Elle s’effondra à son tour et le rejoignit dans les larmes.

Elle ne voulait pas de cet héritage, pas autant, pas comme ça. Elle éprouvait  des sentiments qui la chaviraient toute entière, des sentiments nouveaux pour elle, comme celui de l’injustice. Une bouffée collégienne la transportait comme, quand elle avait rencontré Charles, le premier jour au lycée.

Elle revenait à la vie, une autre vie, une vie sans influence. Elle se confia. Charles l’accepta et lui prit la main.

Didier d’Oliveira

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