Je peux te dire une chose…

Maria à quoi songes-tu ? Tandis que ton ami Goya t’immortalise, oui je dis bien : il te rend immortelle, tu traverses les siècles, interroge le flâneur qui s’arrête devant toi ; qu’as-tu à lui conter? De tes rêves, de tes ratés, de tes envies, de tes regrets. Maria que caches-tu dans cette pose figée pour l’éternité ?

Bien sûr, tu n’as pas oublié, le jour où, jeune et belle tu cédas à cet homme empressé qui te laissa seule, pas tout à fait seule… enceinte.

Le jour où tu quittas secrètement le cocon familial pour une lointaine campagne afin de te remettre d’une fièvre persistante, le jour où tu accouchas de jumeaux : deux garçons dont tu perçus les cris , suivis d’un silence lourd et pesant.

Chaque nuit tu les as vu grandir. De leurs yeux graves et immenses, ils t’interrogent, te persécutent, te galvanisent, chaque nuit ils apparaissent, ils sont là ! Et lorsque tu tends le bras pour les toucher du bout des doigts ils disparaissent , attendent la nuit suivante pour torturer ton âme.

Maria, depuis ce jour maudit tu convoques le Ciel, les dieux, le diable, les saints, les anges bref, tout ce qui est censé t’apporter du soutien. Cela est vain et ne sert à rien ! Tu peux imaginer tes jumeaux heureux, joyeux, ignorant tout de leur naissance chaotique.

Je peux te dire une chose, Maria, ce sera un secret entre toi et moi : tes enfants vont bien. Depuis qu’ils sont chez moi, ils m’ont rendu heureuse, car moi, Maria je ne pouvais pas avoir d’enfants. Alors quand on m’a proposé deux petits j’ai tout de suite accepté, chaque jour je bénis le ciel ! Va comprendre : tu pries pour les retrouver, je prie pour les garder.

Rassure-toi, Maria, je reviendrai te donner des nouvelles, tu me raconteras tes rêves, tes cauchemars, j’inventerai des songes, des mirages. Préviens -moi si tu peux, juste avant de mourir je t’enverrai deux anges aux ailes bleutées. Ils t’accompagneront à travers le ciel en chantant l’hymne des chérubins  :

 

Nous qui dans ce mystère représentons les chérubins

Déposons tout souci du monde, déposons tout souci du monde

M.Odile Jouveaux

Laisser un commentaire