Se perdre…

À la lisière de l’endormissement, j’entends le léger, si léger bourdonnement qui s’échappe de ma gorge et me berce. J’entre et je glisse vers la lumière chaleureuse d’un autre univers. Le son me guide, je la vois mon oreille, elle est là, chatoyante de rouge et de jaune, collée aux fines baguettes qu’elle fait vibrer au rythme régulier de mon cœur. Les notes s’échappent et s’élèvent ondoyantes vers la bannière étoilée. Un vilain moustachu à la Dali les menace de son dard acéré, je le vois qui se rapproche mais la guitare au long cou l’a déjà happé et s’éloigne sur ses pattes crochues actionnées par le lutin ailé tout juste surgi de sa boîte. Sur son dos, aile jaune, aile bleue, je m’envole et survole le serpent blanc sans tête qui se tortille, la marionnette qui sautille d’accords de guitare en portée de notes. Accrochée à la clé de sol, je domine un monde fantastique, peuplé de petits êtres qui grouillent, s’agitent et s’élancent en tous sens. Le grand poumon bleu vient me chatouiller les pieds de sa langue de feu. Me voilà désarçonnée et je vais me poser, légère comme une plume sur un gros ballon blanc en suspension dans le vide. Il bondit, rebondit en changeant de couleur et me dépose au coin d’une table bleue d’où je peux observer deux petits arlequins sautillant, l’un jaune et l’autre blanc. Ils s’amusent d’un ressort en spirale et m’ignorent  totalement. Je les laisse et caresse un moment le pauvre poisson triste couché sur le flanc. De son œil vide, il me montre le cadran vert et l’aiguille qui me dit qu’il est temps de m’évader par la fenêtre ouverte sur le ciel bleu de la nuit.

Annie Brottier

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