Le retour du fils prodigue

 

 

Contemplation du tableau de Rembrandt conservé au musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Il est là ! Il se détache parmi les autres tableaux. Il attire le regard, engloutit la pensée

s’installe dans l’espace et le temps. Je me perds à l’intérieur de la scène.

Le père

Il y a si longtemps que tu es parti, si longtemps que je t’attends, qu’as-tu fait de tes talents ? Chaque jour depuis ton départ j’ai scruté l’horizon, le chemin poussiéreux a gardé la trace de tes pas, j’observe ta silhouette qui s’éloigne à grandes enjambées, je te suis du regard jusqu’au virage où tu disparais dans l’ombre du soir. La blessure est immense. Bien sûr la vie continue sans toi. Ton frère, resté fidèle m’est d’un grand secours. Pourquoi es-tu parti?

Je reste sans nouvelles, je ne désespère pas, je prie le ciel de m’offrir cet ultime bonheur de te voir au bout du chemin une dernière fois. Mes cheveux sont gris, ma barbe mange mon visage, mes yeux sont presque fermés. Ta mère n’a plus de larmes, elle reste dans l’ombre muette, brisée. Pourquoi es-tu parti ? J’attends, j’espère ton retour.

Une phrase me revient… Comme il était encore loin, son père le vit, il accourut, se jeta dans ses bras . 

Le fils

Je suis exténué, j’ai faim, j’ai soif mais pire que ça j’ai honte, le cœur amer, les mains vides et sales, cheveux hirsutes, une loque, je me dégoûte, j’ai la nausée. Revenir à la maison, comment oserai-je ? Je n’en peux plus. J’aperçois au loin la maison de mon père. Il est là, scrute l’horizon, je crois bien qu’il m’a vu. M’a-t-il reconnu ?

Épilogue , contemplation , suite et fin.

Faisceau de lumière sur les deux personnages sur le côté du tableau et en premier plan. Le vieil homme vêtu d’un manteau rouge les yeux mi-clos penché sur son fils agenouillé devant lui, ses deux mains posées sur le haut du dos du fugueur. Geste d’une infinie tendresse, silence, sérénité, bonté. Le fils à genoux en haillons :  Je ne mérite pas d’être ton fils.  Il tourne le dos au visiteur. Calme intérieur, souffrance humaine, retour aux sources, tendresse du père, pardon.

J’observe la scène. Le brouhaha des visiteurs me sort de ma rêverie. Je quitte le tableau, poursuis ma flânerie.

Marie Odile  Jouveaux

Laisser un commentaire