Cherche plutôt un endroit pour traverser ce foutu torrent !

Les deux amis avaient de longue date prévu cette échappée au grand air, loin de la ville bruyante où ils vivaient et l’hôtel qu’ils avaient choisi se trouvait dans un écrin de nature propice à la randonnée. Ils sortaient à peine de table que déjà Maxime ressentait le besoin impératif de bouger. Allez mon vieux, on va prendre l’air. On n’est pas venus là pour se reposer, lança-t-il avec entrain à Maxence qui lui, aurait plutôt penché pour une petite sieste avant d’aller explorer les montagnes environnantes. Chacun sa conception de la digestion, pensa-t-il en soupirant et en reléguant aux oubliettes son envie de dormir. Il rattrapa Maxime qui s’était engagé à grands pas dans un sentier escarpé bordé de genêts. le parfum mielleux et envoûtant lui faisait tourner la tête et les hautes tiges des asphodèles dansant au gré du vent brossaient délicatement ses bras nus. Ses pensées s’évadèrent dans des rêves de caresses sensuelles tandis que ses jambes dans un automatisme déconcertant peinaient à suivre le rythme de Maxime qu’il rejoignit sur un promontoire dégagé. De  là ils dominaient un petit torrent fougueux qui dévalait la pente, jaillissant de rocher en rocher, l’écume blanche légère voletant en paillettes dorées dans les rayons du soleil. Les yeux mi-clos, Maxence s’amusait à filtrer le jeu de l’eau et de la lumière dans un tableau impressionniste accentué par la tonalité musicale des gerbes d’eau. Il était loin Maxence, perdu dans ses rêveries, les sons chantaient à son oreille, le paysage magnifique des monts déchiquetés et du lac scintillant qui s’étalait devant lui le laissant sans voix. C’était un moment de détente des sens, propice à l’assoupissement et n’eut été l’appel impatient de Maxime, il se serait allongé là. Ce n’est pas le moment de s’endormir mon vieux, cherche plutôt un endroit pour traverser ce foutu torrent !

Ils sortaient à peine de table que déjà Maxime ressentait le besoin impératif de bouger et d’entraîner Maxence, dont il connaissait la tendance lascive, à sa suite. Ils n’étaient pas venus pour roupiller que diable. Jetant la serviette blanche du restaurant sur sur son épaule, il se lança à l’assaut du premier sentier qui s’offrait à lui, son ami essoufflé sur les talons. Le chemin était pentu et il dévalait la pente à grandes enjambées, écrasant à coups de pieds rageurs les hautes hampes des fleurs qui le gênaient, dégageant à grands coups de moulinet les genêts qui lui griffaient les bras et les mollets. L’odeur désagréable presque nauséabonde des fleurs qu’il foulait aux pieds l’incommodait et c’est avec plaisir qu’il déboucha sur un promontoire rocheux et dénudé. Là au moins rien ne le dérangeait si ce n’est qu’il ne voyait plus le  chemin. Agacé par le bourdonnement sourd du torrent en contrebas, il s’arrêta en scrutant les alentours à la recherche d’un passage pour poursuivre sa marche. Maxence le rejoignit sans un mot, un sourire radieux sur les lèvres et le regard perdu au loin.  Encore parti dans ses rêves, marmonna-t-il impatient de repartir. Cherche plutôt un endroit pour traverser ce foutu torrent !

Annie Brottier

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