Lui
Ces yeux vairons, l’un bleu, l’autre noisette…
Combien de gens dans le monde ont les yeux vairons ? L’un bleu, le droit, l’autre noisette , le gauche.
Je lis sur la pancarte station Barbès-Rochechouart . Ma montre sonne ! Merde ! Deux heures du matin, l’heure de la prière !
Dix ans…elle en avait quinze la dernière fois… cheveux bleus, yeux cerclés de noir, la femme piège de Bilal.
Élevée par des cathos, messe tous les dimanche, aube blanche et chapelet.
Ce regard… la colère…
J’ai froid aux pieds dans mes tongs.
Une minute qui dure des heures. Ma chapka me gratte les oreilles.
Temps suspendu… un groupe de musiciens joue un morceau des DOORS, This is the end, my only friend, the end
Je la croyais morte, comme Jim Morrison . Elle était bien du genre à mourir à vingt-sept ans elle aussi. Drogue, alcool, prostitution .
Elle est là, je ne suis pas sûr qu’elle me reconnaisse.
Pourtant cette colère !
C’est bien ma sœur cadette, qui joue les vedettes. Ah ! je rime encore en cachette !
Et moi, l’air idiot dans ma soutane, je fixe ses cheveux ; les miens ne sont plus, ils ont déserté .
J’ai honte, je n’ai parlé d’elle à personne, surtout pas à Dieu…
Qu’est ce que je fais ?
Je pourrais lui offrir une sucette ? Elle aimait bien les sucettes. J’aimais bien la prendre sur mes genoux et lui faire des bisous… et voir son rire s’envoler.
Elle
Ces yeux, l’un bleu, le gauche, l’autre noisette, le droit, que des culs de bouteille rendent encore plus grands, ou plus globuleux, au choix.
On dirait un Russe en tongs, il ne s’est pas arrangé.
L’odeur de l’eau de Cologne Mont Saint Michel, autre temps…
Jim Morrison, ce grand ado impudique, mort trop tôt, se fout de nous ; ou au moins de moi.
Je suis sortie en pantoufles, j’ai oublié mes moufles, pourtant il fait froid… je crois…
Je le hais, mon grand frère sérieux, mon grand frère pervers.
Mon cœur est au galop, pourquoi est-il là ?
Tiens ! Mon chien s’est sauvé ! La laisse a cassé… je le retrouverai demain, au pied des escaliers.
Il faut que je parte, je suis fatiguée, il est l’heure d’aller me coucher.
Clarysse