De grands pins bien ordonnés quadrillent les allées du cimetière. Lors de sa première venue sur la tombe de son père, perdu de vue depuis quinze ans, il avait eu des difficultés à se concentrer sur l’emplacement et à ressentir un quelconque sentiment de recueillement. Et encore aujourd’hui, le froid engourdit ses membres et son cœur reste sec et dur.

Pourquoi je m’inflige cette cérémonie convenue, le daron n’est rien pour moi !

Si, il est le bourreau de ma mère : j’entends encore les coups qui résonnent comme des claques sur une chair molle. Merci mon géniteur de m’avoir rendu peureux, instable et incapable d’aimer. Pauvre naze, tu viens tous les ans le 31 Décembre fêter l’année de plus sans lui ? Ou pour honorer une fois de plus la rencontre avec la voisine de tombe ? Cet anniversaire balise ma vie chaotique. Je suis intuitif, elle est ma sœur, par quel miracle d’adultère son visage est le mien, celui du père. Tous trois, grands yeux bleus, nez légèrement épaté, joues creuses et visage long. Elle est moi en femme, je suis elle en homme, elle et moi sommes le monstrePremière rencontre il y a deux ans, nous deux chacun devant sa tombe, moi celle du père, elle, celle de sa mère. Et cette folle ressemblance entre nous, les mêmes pensées.

Ma mère est morte sous les coups et je sais que son voisin de tombe est son tortionnaire. Improbable macabre proximité ! Donc le gars devant c’est mon frangin, il me ressemble beaucoup. Moi, on me cachait, je suis sûre que lui aussi. Un seul homme, deux familles, deux chances pour faire mal et deux enfants qui n’ont rien demandé et qui ont grandi dans le malheur. Je rêve qu’on forme une famille. Je vais lui demander s’il veut, soignons nos plaies ensemble. Ses pensées me rejoignent, il est ok.

RMQ

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