Kukulkan le serpent à plumes

Un escalier chimérique au cœur de la jungle mexicaine

  La pyramide se dresse sur une immense esplanade caillouteuse et déserte ; Sur sa base carrée, elle culmine à trente mètres de haut. Quatre escaliers monumentaux en marquent les points cardinaux. Elle est posée, massive, silencieuse, assoupie attendant l’événement qui deux fois par an la métamorphose.

Les quatre-vingt-onze marches de l’escalier étroites et hautes se dressent comme un mur vers le ciel. Kukulkan sommeille sur les côtés, observe les curieux qui se hissent au sommet de la pyramide.

Une halte à mi-course s’impose : le manque d’air, la chaleur étouffante épuise le corps. La réverbération sur les marches en pierre brûle le visage. L’oppression grandit au fur et à mesure de l’ascension. Peur du vide, vision terrifiante de la chute du haut de l’escalier, impossibilité de redescendre, à tout prix atteindre le sommet, s’affaler sur le terre-plein juste sous le dôme à l’ombre, surtout ne pas se retourner : l’escalier est si raide qu’il se fond dans la façade de la pyramide. L’escalier a disparu.

Du sommet de la pyramide on croit toucher le ciel, mais au fur et à mesure de l’ascension il s’éloigne, ignore les frontières. Le soleil décline il faut bien redescendre, franchir le seuil, découvrir l’autre versant. En approchant du bord d’autres marches se dessinent et glissent vers la terre. Soudain les rambardes de pierre s’animent. Le dieu serpent Kukulkan monte et descend l’escalier aux quatre-vingt-onze marches, il gravit l’espace, suprême dieu de la réincarnation, il entame sa course du ciel à la terre, de la terre au ciel.

Clin d’œil aux humains qui depuis des siècles se regroupent au pied de la pyramide pour surprendre le serpent à plumes descendu du ciel. A la tombée de la nuit, observant les terriens Kukulkan repart sans un mot tout en haut de l’escalier se perd dans la nuée jusqu’à la prochaine équinoxe.

M.Odile Jouveaux

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