L’analyse de la plantation en ligne des pins révèle une volonté humaine certaine. Ensemble organisé et structuré dans le seul but d’être rentable rapidement, l’exploitation du pin est l’essence idéale.
Ce que perçoit l’œil du promeneur qui s’en amuse c’est un tableau, un jeu de lumière. Au fur et à mesure qu’il avance, la forêt clignote, comme le ferait une guirlande dans un sapin de noël. L’alternance des troncs, dressés les bâtons d’une palissade, se joue des rayons de soleil. La balance des hachures – entre sombre et lumière – s’accorde au rythme de ses pas. L’immensité de la forêt déroule son ruban monotone et le marcheur est surpris par son arrêt brutal. Plus un seul arbre, une lumière aveuglante. Produit de la main humaine ? D’un hasard de la nature qui aurait tiré un trait aussi droit ? Morcellement retrouvé un peu plus loin, il n’y a plus de hasard. La forêt de pins laisse place à une large bande de terrain ravagé, où branches et racines arrachées jonchent le sol. La lumière intense accentue le carnage. Vestiges des résineux abattus, les souches gisent en pointant leurs racines vers le ciel. Purs produits de l’exploitation forestière, les troncs alignés sur les bas-côtés, attendent d’être transportés. Si l’on cesse de couper des arbres, pense le promeneur déconcerté, plus de meubles, plus d’isolation, plus de … La liste est longue. Et il reprend sa marche, l’alternance pins, zone de coupe ne le choque plus. Cet ensemble devient cohérent : on fait pousser, on exploite, on replante dans des zones délimitées à la limite des espaces urbanisés et agricoles. En lisières de ces zones, cohabitent des aires de no mans’land, des lieux de hasard laissés libres aux graines que le vent a semées. Ce sont des espaces de liberté délivrés de la main de l’homme. Certains recouvrent les talus de fleurs, d’autres tapissent les fossés d’herbes folles ou encore dressent des barrières d’arbustes aux branches si enchevêtrées qu’on ne peut y passer. Entre ces fragments de diversité sauvage, peu de point. Un seul pourtant : rien n’a été planté, toutes les espèces peuvent s’y établir et y grandir, plantes comme animaux. La préservation de la biodiversité est ce qui fait leur richesse. Partout où il n’y a qu’une variété d’arbres, on entend peu de chants d’oiseaux. Cela justifie que l’on prenne des mesures à la hauteur de la catastrophe annoncée. Je propose que chaque forêt d’exploitation du pin doive contenir des essences différentes. Tiers pins, bouleaux, aulnes. Les zones doivent être reconsidérées. Espace de friche en alternance. Un texte essentiel sur la préservation de la biodiversité existe et devrait servir de base à toutes les décisions. Il se réfère au questionnement de l’impact de l’homme sur la nature et le devenir de l’espèce humaine : Que serait la nature sans l’homme? Tout – Que serait l’homme sans la nature ? Rien.
Annie Brottier