Maintenant

Maintenant je trempe un carré de chocolat dans mon café brûlant et une bombe est tombée sur l’immeuble au bout de la rue et le petit Mohamed sort de sa maison son cartable sur le dos et un chien aboie après un cycliste qui zigzague de surprise et un homme pleure devant l’immeuble en feu et une femme rit en regardant son bébé et du sang coule sur le visage d’un soldat et lui il regarde médusé à la télévision les images du drone survolant les ruines de Marioupol et un hélicoptère jaune traverse le ciel bleu et ma voisine rature ce qu’elle vient d’écrire et des colombes de faïence se tournent le dos sur le banc du jardin et un téléphone portable sonne et …

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Maintenant

Maintenant un homme meurt en défendant son pays armé par les puissances occidentales qui se tiennent à distance et dans un champ inondé de soleil le riziculteur cambodgien les pieds dans l’eau sème les semences de riz à la volée et dans un village pyrénéen le cortège funéraire pénètre dans l’église au son de La Montagne de Jean Ferrat en hommage à celui dont on célèbre la mémoire et dans le métro parisien hommes femmes et enfants s’engouffrent et s’entassent dans le wagon qui démarre et le corps du soldat déchiqueté par une bombe gît dans le fossé dépouillé de ses chaussures et l’enfant apeuré les yeux dilatés par l’effroi cherche sa mère dans la foule qui le sépare d’elle et le jeune homme le casque vissé sur les oreilles n’entend pas l’alarme qui se déclenche et se fait bousculer et un homme dans la boue et les gravats de l’éboulement tend un bras aux gens qui tentent de le tirer du piège où il s’enfonce et les viennoiseries déposées sur la table s’envolent dans les mains des participants qui les enfournent avec délice sous le regard déçu de ceux qui n’en ont pas.

Longtemps l’aveugle a chanté dans les sous-sols du métro. Il avait des stations préférées selon les heures de la journée, passant de l’une à l’autre quand la fréquence des pas et le volume sonore diminuant lui indiquaient les heures d’affluence. Vêtu de son éternelle veste râpée aux poches déformées, il filait le long des murs sans crainte du moindre obstacle, le pas assuré, la tête redressée, sa canne blanche balayant le vide devant lui d’un geste rapide et cadencé.

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