à partir de L'évènement de Annie Ernaux
… un matin, c’est le vertige. Le processus est engagé, les escaliers m’invitent à l’ascension. Madame M. habite le 4ème sans ascenseur et l’argent liquide plombe la poche de mon caban. Ce matin le choix des habits a nécessité réflexion ; obligée de changer le chemisier près du corps et le fuseau ajusté pour ne pas éclater les coutures, ça se mesure en semaines, DIX.
Rembobinons :
La cigarette d’après coït avait un goût amer, la bière chaude aussi. Le corps pâle de l’étudiant du GUD ne m’offrait plus de plaisir et mon désir était d’écourter l’instant. Le bavardage insipide du cabotin me culpabilisait : pourquoi avec lui, dans cette chambre, ce jour-là ? Je pense que je m’ennuyais et repoussais l’écriture de l’exposé « école et urbanisme » à présenter le lendemain. Il devait m’aider, il m’a sautée, avec mon consentement et sans plaisir.
Dix semaines après …
sans son aide, ce n’est que mon affaire,
Bonjour Madame, passez ici à la cuisine, posez l’argent sur la paillasse, baissez culotte, allongez-vous sur le formica, fermez les yeux et laissez-vous faire. Je vous sonde.
Métal entrant au plus profond. Un cri que je ne peux retenir. On ne crispe pas, c’est le jeu.
Jeu, amour hasard, être prise ou avoir de la chance.
Il faut qu’il tombe, ce sera d’ici une semaine ou deux dit-elle, se faire prescrire de la pénicilline.
Deux semaines de plus. Toujours rien.
De nouveau Madame M., l’escalier, la table, les jambes ouvertes.
Miracle, le paquet tombe dans les mains de la faiseuse, sang, sang et sang ….
Elle demande à récupérer cette sonde-là, très spécifique, pas facile à trouver, pas comprise dans le prix.
Et l’après commence. L’amie fidèle qui accompagne la peur, suit l’ambulance, me retrouve dans la chambre de l’hôpital.
Le lendemain, douleur adoucie et l’envie d’écrire pour ne pas oublier.
Puis des histoires, des hommes, des précautions, et des oublis, la chair qui vibre et se laisse aller.
Et … un matin, c’est le vertige, le processus est engagé…
RMQ