Le temps est un.e couturier.e

D’une bobine de fil surgie d’un écrin, il nait, s’élance en brodant sa toile aux couleurs variées. Mesuré, il s’étend en filant comme file l’araignée, au gré du vent, une toile où se déposent au fur et à mesure des points qui ressemblent à des gouttes de rosées, parfois brillantes, parfois sombres. Il court et file dans un mouvement perpétuel, file et refile à la recherche des points perdus. Il assemble et consolide.

En s’étirant, il grandit. Il peut être solide ou fragile et selon sa nature résistant aux intempéries. S’il est plus ou moins long pour certain, il compte pour tout le monde. Il peut parfois s’effilocher mais peut être renforcé à différentes étapes. Il tient bon et raccorde, selon les besoins ou circonstances. Son travail varie selon l’âge et il peut s’adapter. Il peut paraitre futile, merveilleux ou affreux, tout dépend de l’avis des utilisateurs. Il semble toujours rapide car toujours en mouvement. Court ou long, il défile, surtout, si vous tirez sur la bobine. Comme un bolide, au rythme des trains ou des avions, il court après l’aiguille de la machine à coudre au rythme de l’horloge qui de son côté l’ignore en continuant à faire le tour du cadran. Il semble parfois s’arrêter sur des espaces hors de portées mais ne vous y trompez pas, tout ceci, n’est qu’illusion car il rattrape à tout moment vos besoins, attentes ou devenirs. Il est capable de tout surfiler, le lin, le coton ou la soie et quand nous sommes pressés, il est sujet au stress et l’on peste après lui. Il n’est pas le même le jour et la nuit car il veille sur le sommeil des endormis et permet de rêver. Il fait battre nos cœurs et donne de l’élan à ceux qui l’utilisent à bon escient. Un vrai moteur nuancé pour confectionner une œuvre. Il s’inscrit pour agir, vivre et se réaliser dans la créativité. Sa bienveillance est grande car de même qu’il veille sur l’étole, il brode, colorie et garde en mémoire les vestiges du passé. Lorsqu’il s’agite c’est souvent pour nous rappeler nos rendez-vous incontournables ou la fin d’un travail. Il veille ainsi sur le présent, mais aussi sur l’avenir. Il s’assombrit parfois lorsqu’il manque de lumière et conserve aussi les reliques du passé pour nous rappeler qu’il est fiable même usé. Il est capable de réparer, de transformer d’enjoliver ou obscurcir. Il influence ainsi nos décisions. Même s’il se cramponne parfois à nos basques, dites-vous que vous ne pouvez pas lui marcher dessus car il est précieux. Il vous talonne pour ne pas qu’on l’oublie. C’est le gardien de la mémoire et des souvenirs. Il est capable de tisser le film de votre enfance jusqu’à ce jour. Sans bruit, il rythme nos battements de cœur, nos bonnes et mauvaises humeurs et nous fait tressaillir par surprise. Il enchante ou désenchante à tous les âges de la vie car c’est lui qui balise les marquages d’une vie. S’il donne souvent le vertige en vieillissant, Il s’envole ou disparait parfois comme un courant d’air, surtout lorsqu’il vous échappe. Il flotte alors dans l’instant présent, et déjà, avant de le saisir, il est tombé dans l’instant d’après. Mais ne le brulez pas car comme un feu de paille il se consume vite fait. Comme une évidence il transforme et façonne nos plus beaux désirs et atouts qui finissent par suivre leurs destinées. Une fois une bobine déroulée, arrivée à son terme, il emporte nos êtres aimés enrubannées de fleurs, au tombeau. Il marque ainsi l’histoire et l’évolution des hommes pour s’inscrire en mémoire du passé. Même s’il parait futile ou de mauvais goût, il est le couturier ou la couturière, celui ou celle qui tire les fils jusqu’à l’aube pour en tirer parti. Parfois, dans un battement d’ailes, il joue des tours à en faire perdre la raison à certains. Il peut être gagnant mais aussi perdant lorsqu’il devient usé. Mais quand il s’arrête de coudre ou d’en découdre, il cesse d’exister ainsi que celui qui l’a perdu dans un dernier soupir.

MarieThé

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