Paysage(s)

Une route goudronnée occupe au premier plan toute la largeur de l’image. Elle avance en se rétrécissant, les deux lignes parallèles se rapprochent suggérant la perspective, la profondeur et la direction comme une flèche. De part et d’autre des plaines désertiques ou semi désertiques sont couvertes d’une végétation jaunie, rabougrie, roussie par le soleil et la chaleur ; pas un arbre, pas un point d’ombre. La route se perd à l’horizon, barré par une ligne de montagnes bleues qui tranche avec l’étendue plate et désolée. Le bleu du ciel plus clair surplombe la ligne des monts.

Au volant d’une voiture américaine il roule depuis des heures sur cette route, sans s’arrêter,  sans croiser âme qui vive. Il est temps pour lui de changer d’air, de tourner la page. Il n’a pas de but précis, seulement cette ligne à atteindre à l’horizon, toujours plus loin ; peut-être que derrière il y a une vie nouvelle, un avenir meilleur ? Une autre civilisation plus humaine, un autre climat ?…

Il commence à aborder une route plus sinueuse, en pente douce puis plus raide. Les montées, les virages se succèdent, la température baisse. Il s’élève au-dessus de la vallée. Le soleil disparaît derrière les sommets. Plus il avance et moins il voit l’horizon de plus en plus bouché par les pentes escarpées ; il ne peut pas s’envoler comme les oiseaux migrateurs pour découvrir plus vite ce qu’il y a de l’autre côté. Harassé par des kilomètres de conduite, il doit se résigner à s’arrêter. Il est seul sous les arbres, dans une forêt dense. Et si c’était là l’autre monde ?

Allongé sous un immense chêne

Dans l’immensité profonde

Forêt silencieuse, aimable solitude

les feuilles bruissent dans le vent

Mon esprit s’envole au-dessus des cimes,

rêvant, égaré, libre et inquiet

Les arbres m’entourent,

Me serrent dans leur bras

Pour me protéger de la fraîcheur de la nuit

Les oiseaux donnent un dernier concert

Avant de s’endormir

Ils me saluent de leurs chants

Comme un air de bienvenue

Au loin la mélodie d’une eau qui s’écoule

Comme les notes d’une Kora

Je m’amuse de la fourmi qui

Transporte une feuille plus grande qu’elle

L’araignée tisse encore sa toile

A cette heure tardive

La chute d’une goutte d’eau

Le coup de bec d’un oiseau

Deviennent perceptibles

Je sommeille au sommet des monts

Rejoins la reine des ombres

Je commence ma métamorphose

Aux sources du vivant.

Dominique Pierre

 

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