Voilà, fallait bien que ça m’arrive. On a beau savoir, on a beau en parler c’est bien connu ça n’arrive qu’aux autres. Alors que je déambulai dans les rayons du supermarché, mon téléphone retentit dans le fond du sac me prévenant que l’alarme de mon domicile s’était déclenchée. Pas d’affolement.
Je rentre chez moi, (presque) tranquillement mais les choses se corsent brusquement lorsque je découvre la porte entre ouverte, l’alarme au sol en miette arrachée du mur et les lumières allumées dans toute les pièces. Alors la peur… je la sens qui cavale dans mes jambes, les pieds, les bras, le souffle s’accélère, tétanisée je sors de la maison tentant de maîtriser la panique. J’appelle police secours.
Bascule dans un feuilleton série B.
– Sont-ils à l’intérieur ? Restez dehors, nous allons vérifier. Comme à la TV la main sur le revolver, les trois policiers entrent un à un dans la maison. Personne. L’oiseau s’est envolé emportant quelques babioles mais causant de sérieux dégâts matériels.
Je décompte le nombre d’intervenants pour une effraction devenue monnaie courante et tellement banalisée.
En moins de vingt-quatre heures, j’ai alerté six policiers : trois pour le constat, deux pour les relevés d’empreintes, un pour le dépôt de plainte. Ajouter à ce décompte, un serrurier pour bricoler une fermeture de la porte qu’il faudra changer, un électricien, un technicien pour l’alarme. Bref, neuf personnes. Sans compter le dossier assurance ainsi que la police municipale. Un monde jusque-là ignoré fait irruption dans ma vie.
Fin de journée, la machinerie est en route : réparer, déclarer, témoigner. La nuit tombe, avec elle la peur jugulée durant la journée réapparaît avec son lot de divagations toutes plus farfelues les unes que les autres.
Enfermée dans ma chambre, téléphone à portée de main, je vérifie si je peux sauter du petit balcon sans risque ; oui ! Je pourrai même accrocher un drap au bord de la rambarde et me glisser sans risque jusqu’au sol. J’écoute le moindre bruit, craquement. A peine allongée sur le lit, je me relève, décide d’aller chercher un marteau pour le glisser sous le lit. Ressortir de la chambre demande un effort démesuré. Franchir la porte et descendre à la cave tient de l’opération de survie. J’attrape le premier marteau qui me tombe sous la main. Il est tellement lourd que je crains de le laisser tomber à mes pieds et de me blesser. Je l’empoigne fermement, remonte, entre rapidement dans ma chambre, ferme à clefs, marteau à la main, peur au ventre. Comment vais-je m’en servir ? Moi qui ne sais pas planter un clou !
Je me fabrique des scenari. L’imagination s’affole et décuple ma force ! Sûr, le premier intrus qui se présente je l’explose contre le mur ! La nuit sera longue, très longue.
Le temps a passé. Ma folie rageuse s’est estompée. Le marteau lui est toujours dans ma chambre, près du lit. Il s’est inscrit dans le décor. Il a pris sa place. Quand je l’observe, je me dis qu’il faudrait que je prenne des cours de lancer de marteau, de self-défense.
En attendant, tous les soirs j’écrase ma peur sous le marteau, je marche sans crainte sur les sentiers de mes délires oniriques.
M. Odile Jouveaux