Le vide

Si je te sculpte marbre blanc muet

je crée un autre plein

fait de lignes mouvantes à la lumière

attirantes à l’esprit

concrètes à mes sens

symboliques et sensuelles

***

Si je te sculpte, marbre blanc de Carrare

bloc de marbre muet,

je crée le vide en te voulant une forme,

je creuse, j’évide au burin,

j’éclate tes arrêtes,

je veux autour de toi un vide parfait de beauté pure

un vide plein d’énergie

————————————-

Si j’invente des mots et si je les écoute

ils sonnent à mes oreilles,

ils occupent ma page.

Noircissent de signes éphémères mon esprit embrumé.

La brume de mes rêves,

le mot est arbitraire et tinte à mes oreilles

Sa teinte est outre-noir

il existe

et se rit de mes craintes

***

Si j’invente une page

et la noircis de mots

j’entends entre les mots le silence sidéral

les blancs les vides et les attentes

les ellipses

et tout ce que je ne dis pas

Mes mots cachent des mots plus importants encore

Tapis dans l’inconscient

immensité du vide

du hors-champ de mes mots                                                                                                         —————————————

Si je filme à la fois et l’endroit et l’envers

et le noir et le vert

et les voix et les corps

les paroles et le temps

j’aurai créé un univers à moi

les images d’un multivers

j’aurai empli l’écran de musique et d’échos

et dans la salle obscure j’inventerai l’allegro le concerto

l’el dorado

on reconnaîtra le Western le docu

l’expressionnisme ou la Nouvelle Vague

Je serai moi-même cette vague

ce tsunami de sensations créées

tangibles

même si «noli me tangere» me touche

***

Si je filme et me choisis un cadre

je taille le vide et le hors-champ me hante

Si mes personnages dialoguent

ils sculptent par leurs gestes un vide de silence

un espace de patience

là où il n’y avait rien

le rien devient le rien

le rien est sidéral

l’image abyssale

la relativité fractale

et l’aurore boréale

—————————————–

Si je fais des anthropométries

si je crée des gymnopédies

si je peins par terre comme Jackson Pollock

si je fais du dripping ou de l’expressionnisme abstrait

j’engage mon corps entier

je structure l’espace de ma pensée

je construis une espèce d’espace libre

où se cognent les traits les notes les couleurs

et la folie

même minimaliste

elle existe

elle est là

***

Si comme Villeglé je colle des affiches décollées

déchirées  fatiguées  flapies

je touche à l’infini du doute de l’existence et du néant peut-être

les images déchirées créent un vide trop plein

un vide viscéral

un vide bicéphale

un vide carcéral

le chat de Schrödinger se gondole dans sa boîte

il n’est ni vivant  ni mort

il est ce que je veux qu’il soit

ce que je crois qu’il est

particule virtuelle

particule réelle

inutile de douter

inutile d’espérer

principe d’incertitude stoppé net sur le mur de Planck  arrêté

PASC

Laisser un commentaire