Extraits du journal intime d’Ambre

Texte imaginé et rédigé par Laure Paris
Collage de Laure Paris

mon journal intime – Ambre

11-09-22

Un bon café bien chaud comme je l’aime pour parcourir un guide et internet

Je commence juste à faire une liste pour préparer mon départ à New York qui approche. 

Nora a déjà balisé le projet, réservé un rbnb dans le Lower East Side. Du coup je me laisse porter mais j’ai déjà mon ESTA
. Sur la liste : quelques dollars à prendre à la banque. 
Une commande à faire sur Vinted  pour l’avenir de la planète

12-09-22

Mon père est très certainement allé à New York 
rencontrer des écrivains. 
Était il allé écouter du jazz à Harlem, admirer un coucher de soleil du haut du World Trade Center ou près de Staten Island ? 
Bruncher après une messe de Gospel ?
 En feuilletant le guide du routard, je suis partie  sur les traces de mon père. 
Des questions qui restent en suspens
. Il me manque
! Je regrette à présent de l’avoir peu questionné et j’ai envie de renforcer mes liens avec ma belle-mère qui l’accompagnait peut-être… 
je me  souviens de jouets offerts à mes 3 enfants : des Barbies pour Amélie et Nora, un Snoopy en avion pour Émile et plus tard un taxi jaune
, des figurines d’indiens et de cow-boys, des modèles réduits de belles voitures américaines : Ford mustang, Chevrolet, Buick
. Sûrement choisis par ma belle-mère
. Pour moi les cartouches de Malborow : une complicité qui explique sans doute pourquoi je continue de fumer

13-09-22

Le décompte se poursuit. 
C’est le temps de rayer quelques mots de la liste et réaliser des « missions » comme dirait Amélie.
 Le moment de rêver encore, excitée par le départ qui approche. 
Peut-être la période la plus agréable du voyage comme le prétend mon amie Françoise ;
 s’il n’y avait pas les bagages à préparer.

J’ai hâte de retrouver mes filles. 
C’est pour voyager avec mes enfants que je travaille à la librairie quelques jours par semaine
. Séjour entre filles cette fois !

C’est le féminisme américain qui me revient en tête : le « We can do it » de l’affiche de la ménagère au foulard rouge, au biceps bien gonflés, le bras plié au poing serré : les femmes sont fortes !

14-09-22

C’est mon premier voyage à NYC. 
Ressentirai-je la même émotion esthétique qu’en découvrant à Paris l’arche de la Défense dans le ciel et les nuages, avec la lumière se reflétant sur les façades ?
 Ou lorsque j’ai roulé sur les échangeurs d’autoroutes à 
Montréal au point d’en faire plusieurs tours pour le plaisir… 
Les grattes-ciel de New York m’émouvront-t-ils autant ?

15-09-22

Je pense à la foule que je vais croiser à NYC, l’effervescence de la mégapole… Moi, qui vis dans un havre de tranquillité : mon petit village du Causse ! Jje ne suis plus habituée à la ville; J’ ai quitté Bordeaux il y a longtemps
. Mais j’ ai choisi NYC et  je n’appréhende pas ce changement radical de cadre de vie. J’y vais pour découvrir un lieu mythique, en tâter l’ambiance, confronter cette découverte à ce que j’ai pu lire et voir dans les films.

16-09-22

Longtemps je me suis bloquée sur le passé d’esclavagisme et le racisme des États Unis, la société de consommation, pourtant je suis bien allée au Maroc où la place de la femme n’est pas évidente. Mais c’était chez les grands-parents du père de mes enfants.

Avant l’envol, il y aura le passage à Paris : 
le temps du voyage en train : Austerlitz- Mouton Duvernet avec ma grosse valise, l’après-midi avec Isabelle et la nuit chez elle. La joie de la retrouver. 
L’expo Frida Khalo à partager

17-09-22

le forfait du téléphone à installer et l’appli du métro de NYC. 
Le départ approche et bientôt je ferai ma valise. 
Au dernier moment comme d’habitude- avec la peur de ne pas mettre ce qu’il faut dedans-peur de rater mon train 
mais je reste calme, concentrée sur ce projet qui me tient à coeur. 
Aujourd’hui, j’ai pris le temps de déguster une glace bio au coing et safran et me poser en terrasse au café Champollion à Figeac. 
Je retrouverai mes filles à l’aéroport jeudi matin. 
Elles dorment chez leurs grands-parents paternels dans le XIIIème

18 -09-22

Se réveiller avec dans les bras cette petite boule de poils ronronnant, comme j’aime ces matins-là !
 Ils me manqueront à NY
C. De même que Poutine et Tachy entameront leur dépression en restant scotchés sur les lits superposés de la chambre d’Émile ; 
sans daigner bouger quand la voisine-amie leur renouvellera l’eau et rajoutera des croquettes
. Ni même quand elle grimpera voir s’ils vont bien et tentera quelques caresses. 
Mais dès que j’ouvrirai la porte, ils seront là, à manifester leurs retrouvailles. Deux jours de congés pour cocher la liste et démarrer la valise

Encore mardi à la librairie, avant mon départ mercredi matin pour Paris

19-09-22

Pas de repassage, je réunis mes vêtements pliés dans mon bagage, 
j’ ai un peu peur de ne pas mettre ce qu’il faut 
dedans, comme à chaque fois, pour chaque départ mais en général, c’est réussi je prévois juste un peu trop d’affaires. 
Ce n’est pas le moment le plus agréable, mais c’est à peu près fait.

20-09-22

Il a gelé ce matin sur le Causse. Jjour de travail aujourd’hui
. J’aime ce job et m’investis à fond, 
l’ambiance avec mes collègues est agréable et l’accueil du public me plaît, à part quelques tordus 
bien sûr… il faut porter les cartons de livres et faire la route. 
Au retour je mets plusieurs livres dans ma valise. 
Il reste des trucs dans le réfrigérateur à gérer, 
j’en porterai une partie au frigo solidaire du centre Social
. Mon train part demain à 7 h20 de la gare d’Assier

21-09-22

Jour de départ à Paris : c’est le début du voyage

J’ai prévu des podcasts : la grande traversée de France Cul sur Martin Luther King

J’avais adoré l’émission sur Margaret Thatcher mais aussi Vénus s’épilait-elle la chatte. J’adore ce podcast d’ histoire de l’art féministe et  les couilles sur la table  avec Victoire cette jeune journaliste féministe qui décape

C’est notre grande complicité avec les filles

22-09-22

RER B pour l’aéroport Charles-de-Gaulle Grande mixité sociale en traversant le 93
1h30 dans les files d’attente avec les filles à papoter
Beaucoup de chapeaux noirs dans l’avion : veille de Shabbat
De jeunes hommes juifs se sont envolés pour le nouvel an dimanche soir
Difficile de communiquer avec eux
Vu le film Frida  en anglais et Coco, le dessin animé de Disney, au milieu de l’Atlantique
Très mexicain tout ça, avec les scènes découpées dans les feuilles de papier, les cimetières illuminés de bougies la nuit et décorés de squelettes, les offrandes colorées, les pétales de fleurs orange.
décalage horaire et décalage de destination : c’est via le Mexique et une artiste, que je trace ma route vers New York
Yellow Cab pour une belle arrivée avec la skyline des gratte-ciel, les ponts et les premières horloges
Une limousine blanche et les School bus jaunes
Central Park traversé
Un Burrito on the corner et… au lit !

23-09-22

Dès la sortie ce matin on s’est trouvées bien petites au pied des buildings 

Les façades brillaient – un soleil – et toute cette verticalité qui oblige à regarder en l’air contrastait avec nos verts horizons campagnards

Petit déjeuner au Starbucks très fréquenté 

J’ai vu un beau jeune homme au sweat rouge, dreads bleues et un vieil homme du Bronx avec un jeu d’échecs installé devant lui qui attendait une partenaire 

Une française vivant depuis deux ans en Californie est venue s’asseoir et jouer une partie qu’elle a perdue 

J’adore observer les gens jusqu’à en faire des scénarios 

On partage nos hypothèses avec Amélie et Nora

Nous avons marché du Lincoln Square à Time Square et craqué sur les tacos au dos Caminos, un cheesecake et des cookies 

On a un peu galéré dans le Subway pour faire marcher la metrocard et s’orienter 

On a beaucoup marché et fini par comprendre le fonctionnement du métro pour le retour 

De vraies pintades !

Même en voyage nous restons attentives aux nouvelles et particulièrement à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Joe Biden a prononcé un discours très offensif mercredi appelant à augmenter les membres permanents du conseil de sécurité et jeudi la ministre française réagissait contre les crimes commis en Ukraine par les forces russes :

 Il n’y a pas de paix sans justice !

Une guerre nucléaire ne saurait être gagnée et elle ne doit jamais intervenir !

Nous sommes au côté des courageuses femmes iraniennes qui manifestent en ce moment pour leurs droits les plus élémentaires 

24-09-22
Ça y est !
Nora a trouvé sa paire de baskets après deux magasins et l’essayage de 5-6 paires
Elle pourrait me faire perdre patience parfois mais on se voit si peu !
Exceptionnellement ce sont des chaussures neuves mais c’était indispensable.
Incroyable l’attitude des vendeurs qui apportent la boîte de chaussures et s’éloignent aussitôt
Nous sommes allées tout de même au musée Guggenheim, même si les étages sont fermés et que l’on ne peut pas faire la visite en descendant la rampe en colimaçon
De beaux tableaux de Picasso, Gauguin, Manet, Monet à Venise
Pique-nique et retour par Central Park un samedi après-midi animé de nombreuses activités : footing, vélo, balade en calèche marche et assouplissement sur la pelouse Quel air pur ! On respire ici
Et nous avons encore observé des personnes pittoresques et admiré de belles scènes familiales

25-09-22
Dans l’immense Hall de l’ancienne Grand Central Station au drapeau américain accroché à l’entrée, J’ai accompagné Amélie qui devait retrouver Léa, son amie, venue du Connecticut passer la journée avec nous. Bien sûr nous avons levé la tête au plafond et admiré ses constellations brillantes sur fond turquoise, éclairées par les verrières. Ce n’est pas près du kiosque d’informations que nous avions rendez-vous, sous son horloge de précision mais à l’étage au café Cipriani .
Le décor était parfait pour déguster un café bien chaud en se remémorant le film d’Hitchcock  Mort aux trousses  regardé ensemble il y a bien longtemps.
J’ai profité du spectacle qui se déroulait en contrebas : les silhouettes aux chapeaux noirs scotchées sur leurs portables, la jeune femme qui pousse sa valise, avec au bout du bras sa petite fille au bob et sac à dos à peluche qui déborde.
Les tableaux lumineux bleus, pour les arrivées, sous les yeux, j’observe les personnages variés qui traversent l’espace : un homme grand pousse avec aisance sa valise argentée ; une jeune fille asiatique, frêle, en jean, traîne une grosse valise rouge
Je me suis attachée aux sacs portés en bandoulière ou avec la lanière croisée à travers le torse, en sac à dos
Des jeunes dont l’un avec une casquette verte portée à l’envers, sont assis par terre contre le mur
les trajets se croisent et s’entrecroisent comme un ballet désordonné le public de la boutique Apple aux montres connectées est constitué de jeunes bien sûrs d’eux.
J’adore observer la vie de cette cité si animée
L’attente dans ce cadre là est un plaisir
Léa n’a pas tardé, pour la plus grande joie de ma fille!
 
26-09-22, Washington Square, 10h

J’ai lu dans East village blues de Chantal Thomas :

Certains jours j’aimais cette idée, guetter la défaillance

mais encore fallait-il quelle fût intense

Sur un banc à l’ombre je profite de ce moment ensoleillé
Sous l’arche, les fleurs continuent d’affluer pour rendre hommage à Mascha torturée pour quelques mèches de cheveux
Encore ce balayeur noir avec sa pelle au bout du manche traînant sac-poubelle, comme j’en rencontre souvent à NYC.
Ah ! ce parterre d’anémones du Japon, blanches : mes préférées !
Des enfants glissent sur le toboggan, sous la surveillance de leur père.
Le baladeur aux oreilles, la démarche élastique, une jeune femme au portable : silhouette au trench moutarde, une thermos à la main.
Deux policiers à cheval longent le parc alors que deux policiers sont stationnés aux quatre coins. Sécurité assurée
Des femmes avec poussette peuvent prendre tranquillement leur bébé dans les bras
D’autres promènent leur chien
Une batterie s’installe : on va bientôt en avoir plein les oreilles
Tout est tranquille comme le vol de ce papillon
Soudain une femme s’assied sur le banc au soleil en face de moi.
Elle lit un journal
Son apparence m’intrigue : avec sa petite robe légère qui ressemble à ma tenue habituelle, ses cheveux roux lâchés autour du visage
Entre nous les deux policiers armés qui me forcent à pencher la tête pour l’apercevoir : même sac à dos que moi !
Thermos et verre à ses pieds, elle prend son stylo et se met à écrire.
Suit-elle des cours dans un département universitaire qui entoure le square ?
Elle se caresse les bras exactement comme j’aime le faire
Notre ressemblance est frappante
Les policiers reculent et je peux mieux la voir : bien concentrée sur ses notes, elle lève parfois les yeux, regarde son portable comme moi
Nos yeux se croisent tandis que le batteur commence à taper sur la peau
Est-elle aussi interpellée par notre ressemblance
Elle s’étire au soleil et baille exactement comme j’aime
Nous partageons le souffle de l’air et la fraîcheur de la fontaine
Sous nos pieds un cimetière.
Focalisée sur elle, l’animation du square s’éloigne
Seuls les passages entre nous rythment le temps qui passe
Paralysée sur mon banc je n’envisage pas d’aller vers elle et me contente de quelques regards
Je profite de l’instant présent jusqu’au moment où un homme à sac à dos la rejoint
Elle a cessé d’écrire
Le stylo reste dans sa main
Elle feuillette ses pages
L’homme est avachi puis croise les jambes
Je vais devoir quitter cette scène
Je passerai devant elle
Me reconnaîtra-t-elle ?
Je me lève et ose la confrontation
Je marche lentement et la regarde
Je lui souris
Elle range ses affaires et nos regards se croisent
Des points d’interrogations dans les yeux
Nous quittons le square
Qu’écrivait elle ?
Probablement un travail pour l’université ?
Je peux imaginer n’importe quelle discipline
Le trouble provoqué par cette rencontre persiste : une sosie américaine ! C’est incroyable !
Je suis dans un roman de Murakami : ce square a provoqué une faille dans mon univers et m’a fait participé à un moment hors du temps
Je me suis projetée dans cette femme, noyée dans son observation
Quelques réalités ont vacillé et je me suis laissée emporter loin de ma vie lotoise
Merci à cette inconnue rencontrée à Washington Square

27-09-22

Brooklyn
Je respire l’odeur de la rivière, le vent dans les cheveux
Un air de vacances avec les digues, les drapeaux qui flottent, les grues du port, une péniche qui passe, un vieux voilier de 3 mâts à quai
Je quitte le centre des affaires
Le soleil illumine les gratte-ciel et le pont de Brooklyn
Lunettes de soleil obligatoires
Ça scintille sur les façades
Le bleu du ciel, le nuage qui passe
What Else ?
Quel flash dans l’estuaire
Une traversée trop courte à travers l’œil de l’appareil photo, à chercher le cadrage, éviter les contre-jours trop violents, le grand-angle affolant
Et je repense au bateau pris à Athènes pour
Tinos un autre mois de septembre,
il y a deux ans !
L’écume sur l’étrave
La tempête qui s’était levée et le monstre qui tanguait généreusement
On était bien loin des côtes, dans l’attente de ses vacances grecques, dans la maison de Chantale, au bord de la mer, juste sur le rocher d’où l’on pouvait plonger
Mais le vent était présent sur la mer Égée,
à prendre en compte pour nos projets
L’eau serait froide quelques jours
On en avait profité pour marcher comme des chèvres sur le rocher aux épineux, pour longer la côte d’église blanche en église blanche, en sandales jusqu’au petit village où la vie s’animait vers 19 heures
Et me voilà partie dans les chemins escarpés loin des grandes avenues
C’est le côté  vacances  de cette traversée ! Si Pauline était là, elle me dirait  reste présente où tu es,  ne compare pas deux paysages
Elle déteste ça Pauline !
Karine l’a même écrit dans son livre
cela m’avait fait plaisir de le lire en Islande au creux des rochers

 

28-09-2022

J’ai écris une lettre à ma voisine

New-York, le 28- 09- 2022

 
Chère Mimi, ma voisine,
Je sors du musée Whitney d’art contemporain et loin de nos voyages sur les lacs italiens, je t’écris de Little Island, jardin artificiel gagné sur la rivière Hudson.
Assise près d’une touffe de thym odorant, j’oublie les gens tout autour et m´immerge dans le jardin pour t’en faire partager le charme.
J ai vu les colchiques de l’automne percer le couvre sol de géranium vivace, au son des cloches musicales activées par les visiteurs.
Un hélicoptère traverse le ciel bleu et couvre le son d’une cigale dans le coin aux Asters tandis qu’au loin les nuages moutonnent derrière la skyline des tours de l’autre côté de l’Hudson.
Une odeur de cannabis flotte au-dessus des massifs
Les graminées côtoient les hellébores et j’ai vu quelques arbouses au bout de branches aux feuilles bien sèches
De l’escalier de pierre où je suis installée : les petites boules blanches de l’arbre aux perles ou Symphorine.
J’ai trouvé un lys crapaud comme ceux que tu cultives dans ton escalier.
Je suis maintenant dans l’amphithéâtre
Le jardin est cultivé en espalier
Une girouette tourne dans le vent créant des illusions d’optique.
Sur des parois : des murs végétaux
Des goélands posés sur des piquets au clapotis de l’eau.
Un insecte incroyable se balade sous mes yeux : des petits points noirs sur les ailes
Je te montrerai les photos
J’ai trouvé le joli timbre de fleurs de tournesols pour la France à la poste ce matin
Tu en profiteras j’espère que Franck et toi allez bien.
Que les chats Pioutine et Tachy sortent un peu de leur dépression et apprécient tes bons soins
Merci encore
Je t’embrasse et te quitte au son d’un piano
Ambre
 
29-09-2022
 
Je dors incroyablement bien à New York, sans CBD ; des nuits complètes, un sommeil profond peuplé de rêves incroyables dont celui là :
 
J’étais au festival de Querbes dont le thème était toute une moitié du monde mêlé à Alice au pays des merveilles.
Dessous les roses une souris galopait ainsi qu’un lézard tandis que la chenille grimpait dans les lianes
J’apercevais la peau du dos du lièvre aux longues oreilles, après avoir mangé quelques champignons hallucinogènes
Pour vous combattre je n’avais que le sourire du chat énigmatique mais ronronnant. Je cherchais mes mots, quelque chose à te dire mais promeneur solitaire tu t’éloignais déjà dans la foule
J’ai marché sur le tapis roulant de la salle de musculation et restais sur place sous la surveillance de la souris
De retour chez moi je croisais ce voisin trop discret
Affublé de son grand chapeau et son nœud papillon, je l’imaginais huissier de justice : présent aux expulsions de famille, sans aucune émotion, le temps écoulé pour régler leurs dettes de loyer.
Trop honteux de ce métier ingrat, il s’était renfermé sur lui-même.
Ornithologue amateur il se réfugiait dans l’observation des passereaux : moineaux, mésanges,serins, pinsons, rouge-gorge qui volaient joyeusement dans mon rêve, en nuées, à Ouessant.
Son souvenir le plus heureux était celui d’ un oiseau blanc dans le blizzard même si l’affût était glacial dans son immobilité
Cette situation périlleuse lui avait donné le goût de courir  à la nuit tombée dans la ville déserte pour réchauffer son quotidien.
Mangez moi, mangez moi la chanson de Lio me trottait dans la tête, mon casque sur les oreilles, à travers Central Park.
 
30-09-2022
 

 Comme il est profond le mystère de l’invisible 

Aujourd’hui j’ai visité les cloîtres artificiels reconstitués de pierres et sculptures de l’ancien monde
Je me suis promenée à travers le temps et l’espace out of space out of Time a écrit Edgar Allan Poe
Assise près du jardin aux chapiteaux variés, parmi les monstres, les diables et les décors floraux
Au son de la cloche
une touriste a fait tombé ses lunettes près de la fontaine centrale
Du verre brisé ont surgi la femme et son enfant : minuscules, de la taille d’Alice au pays des merveilles, sous les fougères
Sa robe aux reflets du soleil et la lune à ses pieds
Allongée sur un lit, le bébé près d’elle
Elle l’avait posé là pour se reposer
Il avait quitté ses bras, loin de l’adoration des bêtes et des rois
Loin de l’âne et du bœuf, loin des hommages
Dans le privé elle s’est couchée
Image prémonitoire de la Dormition avant son Assomption.
De cloître en cloître, la mère me poursuivait à travers les vitraux colorés
L’enfant jouait entre les plates-bandes, s’éclaboussait
Ils avaient beaucoup voyagé : en France, en Italie, en Allemagne, de jardin en jardin pour arriver là, dans ce nouveau monde, dans cette autre culture où les chemins des indiens chantent dans la nature.
ils allaient rencontrer d’autres mythes, d’autres croyances au fur et à mesure de leurs pas ;
d’autres chants loin de l’Égypte,
Alors elle laissait l’enfant courir librement autour des tables cosmopolites
Son ombre le suivait parmi les monnaies du pape, les cucurbitacées et le verger
Fantômes surgis du temps, présents en ces lieux disparates