Mots échappés, mots remplacés

Le premier texte est écrit par l'auteur.e de la signature. Le deuxième est passé entre les mains de tous les participant.es qui ont chacun.e remplacé deux mots 

Elle avait couru jusqu’à perdre haleine vers la ferme en contrebas ; sous une pluie battante, elle arriva, les sabots crottés et s’écria avec bonheur : il est né cette nuit

Elle avait couru jusqu’à perdre haleine vers la plage en contrebas , sous une pluie rafraîchissante, elle s’allongea, suivie d’Ivan et s’écria stupéfaite : il est arrivé ce matin

PASC

De l’autre côté du miroir

The Mirror - une performance d'Alexandre Desplat -  (cliquer sur The Mirror pour voir la vidéo sur Youtube)

en moi plusieurs mois  en émois

s’entrechoquent se touchent et se broient

mon corps vibre se tord et retors m’entraîne

m’enlace  et me mord

en moi deux êtres s’affrontent se ressemblent  

moitié de moitié formant deux moitiés

tu me regardes je te regarde

je regarde ton espace effaré

phare, far comme lointain

comme miroir sans tain

comme double incertain

tu me touches la main  je te touche la main

c’est ma main  la tienne

c’est ta main  la mienne

ne formons-nous qu’un ?

entre nous ce miroir sans tain

entre nous un espace incertain

et la musique gronde

et la musique inonde

comme une vague triste

une nostalgie blessure

c’est mon enfance qui appelle

c’est mon enfance qui geint

mon enfance qui se plaint

qui frappe à ma porte

qui me touche et m’emporte

mon enfance a pris corps

elle fait corps avec moi

et parfois elle me broie

mon enfance est une danse

une bagarre  un combat

je ne la lâche pas

je l’enlace  je l’entends

elle ne me lâche pas

m’empêche d’avancer

m’empêche de penser

des voltes  des survoltes

des contre-ut et des contre-tu

tu me tues  je te tue

nous ne faisons plus qu’un

des sautés  des piqués  des sauts de deux

de la vitesse

parfois de la tendresse

un mélange ambigu dont on ne sait sur la scène lequel

lâchera l’autre

corps à corps  cœur à cœur

lancés  pas de deux

pas de deux entrechats

ballets et arabesques

araignée Louise Bourgeois

toile tissée par l’invisible Ariane

chorégraphie graphique

ensemble graphité

entrechats   jetés   mal portés    mal aimés

enchevêtrés de larmes   enchevêtrés sans arme

butés

ni l’enfant  ni l’adulte ne lâche   ce combat empêtré

et puis il faut que ça arrive

dire adieu au passé

en quelques enjambées   se prendre   se déprendre

essayer d’oublier

je t’aime et je te tue    je veux ma liberté

j’aime ma liberté

enfance délinquante   enfance déchirée   ôte-toi de ma vue

laisse-moi respirer

 

tu m’étouffes tu es beau

beau comme le ciel

comme un ciel orageux comme une nuit d’été

ta jeunesse m’étreint

ta jeunesse me blesse

mon miroir me leurre 

mon miroir m’éteint

et je rêve et je songe et j’oublie l’heure et le temps

dans passé je me plonge

je tourne

je tourne jusqu’à l’évanouissement

mon corps

pulse pulse pulsations

pulse pulse contorsions

mes pulsions me font mal

le passé me rattrape et frappe la musique

la musique du temps frappe

la musique de l’automne

aux couleurs impalpables  

aux mots indéchiffrables

tous les non-dits   les interstices    les failles

les entre-deux   les entrechats bavards

en disent plus long encore

qu’un silence trop long

qu’une mémoire pleine

qu’un trop plein de poésie

c’est le passé qui vibre

une voix trop aiguë    un espace ambigu

je reste seule quand mon enfance me lâche

quand de l’autre côté du miroir  repart

et me laisse abattue

je veux encore te voir dans mon miroir

te prendre  ne jamais t’oublier

 

mais la réalité est là qui s’invite au réveil

qui s’écrit faiblement

le reflet s’est éteint

 

tu n’existes qu’à peine

 l’autre toi-même est mort

 

dans le miroir sans tain

PASC

Il, mon île

Les dessins et les photos ont été réalisé.e.s durant le stage arts plastiques/écriture par PASC

Face à moi, 6h du matin 

Au loin et au-delà des vagues, une île perdue en mer, point d’arrimage des pêcheurs esseulés, des solitaires épris de vagues à lames. L’île de Tatihou porte un nom tout droit venu de la Polynésie ;  à l’ouest le littoral s’avance vers l’île. On distingue par temps clair, un édifice qui ressemble à une tour.

Tour d’un ancien château abandonné ?

Tour de guet ?

Phare pour les jours de tempête ?

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Le présent du présent, l’attention

Robert COMBAS (1957)

Joueur de pipo poète et non brut

Acrylique sur toile
Signé et daté 90 en bas à droite
Titre complet : « Marcelin de la lune se fait une petite mélodie jolie adossé à un buisson dans la campagne au milieu de fleurs et de l’herbe verte. Dans son imagination, il voit défiler des êtres rigolos et gentils qui se mélangent et s’assemblent comme des puzzles en jouet de bébé. Un corps de belle femme s’avance, elle a une tête de lune et lui il a la « boule à zéro »

En ombre noire, un joueur de flûte presqu’ au centre, mal assis sur un gazon fleuri de jaune.

En train de s’asseoir ou en train de se lever ?

Nul ne saurait dire, nul n’était là pour voir… à sa suite l’arche de Noé peuplé de bêtes et d’êtres aux cris inintelligibles. Des membres s’entremêlent, ce côtoient, se touchent, remplissent la toile jusqu’à la saturer. Pas d’espace vide, aucun silence et partout des yeux aussi sots que grenus. Tout un peuple dans une jungle folle qui s’ébroue et cherche à se faufiler entre les branches rouges d’un arbre tentaculaire. Un crocodile bleu a avalé un alligator piquant.

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Instants en suspens

Un temps d’attente comme un ralenti

Attendre, j’attendais dans les coulisses, le cœur battant la chamade et tremblante, me demandant si les mots allaient me revenir, si je serai assez légère lorsqu’il me recevrait dans ses bras et me porterait. Nous étions invités dans ce théâtre des Amandiers à Nanterre à jouer des personnages orageux dans la Mouette de Tchekhov.

Ma mémoire se brouillait et je n’arrivais pas à entendre ce qui se disait sur scène. Pas de souffleur en vue, il y avait longtemps que les trous de souffleur avait disparu. Un méchant courant d’air s’infiltrait dans mes os comme un air glacé qui aurait voulu me gifler.

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