J’entre dans la chambre et époussette rapidement les meubles. C’est vite fait, elle n’est pas encombrée et je ne suis pas regardante sur le ménage. Je ne m’attarde pas. Pourtant, ce matin-là, en arrivant à la petite table basse et la petite chaise d’enfant le chiffon hésite, marque une pause, puis lisse doucement le bois verni. Une bouffée de nostalgie m’étreint soudain. Je renouvelle mon geste comme si je voulais faire apparaître sur le pin clair, pareil à un miroir profond, la trace d’une empreinte, d’une image qui se serait imprimée ici et qu’il suffirait de révéler avec un chiffon qui en chaufferait la surface à la façon d’un révélateur photographique. Je sais pourtant ce qui émanerait de cette image en négatif. Lire la suite
Josette Emo
Perdu dans le brouillard
La corne du bateau nous suspend aux secondes
Les yeux rivés à bord scrutent l’écho sonore
Le faisceau s’illumine balayant sur ses bords
Les contours de la côte dessinés par la sonde Lire la suite
Hors famille
Carla continua à lui caresser les cheveux. Lui, de dos, n’osait pas se retourner. Il peinait à cacher ses larmes, redoutant qu’elle le lui reproche. Et pourtant, ce rendez-vous à l’insu de tous, inaugurait peut-être une réconciliation possible après ces dix années de séparation.
– Tu es certaine de ce que tu veux ? lui demanda-t-il. Sais-tu bien ce que tu vas affronter ? Notre mère est morte, elle est la seule qui m’a soutenu, peut-être parce que j’étais le dernier-né des garçons. Nos frères t’ont rejetée tout comme ils n’ont jamais admis mes orientations sexuelles. Lire la suite
La chambre bleue
Face à la fenêtre aux persiennes mi-closes dans cette chaude après-midi d’été, alanguie sur son édredon bleu à frange blanche, rideaux ouverts du baldaquin aux couleurs identiques, confortablement appuyée sur son avant-bras et dos reposant sur un épais oreiller, une jambe repliée sur l’autre, dans un relâchement total, elle s’est mise à l’aise dans un pantalon de toile ample et léger, un body pastel lui découvrant le buste. Lire la suite
Lettre à moitié effacée
à partir des échanges épistolaires entre Leïla Sebbar et Nancy Huston, édités sous le titre de Lettres parisiennes

Josette Emo
Numéro 2325
Numéro 2325 avait-elle dit à l’accueil de ce vaste bâtiment où l’hôtesse lui avait donné les consignes : pas de stylo, juste un papier et un crayon, possibilité de prendre des photos
Arrivée aux pupitres des Archives, au premier étage, elle avait déposé sa liste de documents sollicités. Elle avait consulté les ordinateurs mis à disposition pour en trouver les cotes. Il s’agissait des dossiers des prisonniers de guerre en Allemagne des années 1939 à 1944. Lire la suite
Pierre de lune
Son téléphone éteint, posé devant elle, son ordinateur fermé, son compte en banque vidé, Cécile était partie.
Elle avait pris soin de ne laisser aucun indice sur sa destination. Un simple mot, ne t’en fais pas, je reviendrai, pour ne pas faire mourir d’angoisse son mari et ses parents. Lire la suite
Tu as toujours été la plus rapide
Tu as toujours été la plus rapide
C’est par cette phrase amusée qu’il l’accueillit quand elle entra dans la chambre de l’hôpital.
Il avait à peine eu le temps de rassurer son fils et de raccrocher qu’elle était déjà arrivée.
Combien de fois les avait-elle précédés sur les chemins, combien de fois avait-elle devancé ses désirs, combien de fois avait-elle pressenti avant eux les écueils à éviter, les directions à prendre.
Ce n’est qu’au début de leur relation qu’il avait été le premier à savoir qu’elle l’accompagnerait toujours.
Dans la nuit froide et glacée
Dans la nuit froide et glacée
Ordre est donné : « Novice, apprends »
Le soldat veille, fusil chargé,
Appelle, « Viens le jour, je t’attends » Lire la suite
Murmures
Marcus – Les éperons de verre se dressent avec vitalité face et menace
Ils m’écrasent
Quel avenir nous réserve ce système où la raison se casse aux murs de verre ?
Juliette – je la vois cette petite fille aux tresses blondes
qui joue à cloche-pied sur les vestiges du mur
L’ignores-tu ou te joues-tu du passé ? Lire la suite