Enquête londonienne

image générée à priori par une Intelligence artificielle sous influence

Ce soir-là, Bernard avait rendez-vous avec Georges. Ils avaient l’un comme l’autre, bravé le brouillard qui déversait sur Londres une atmosphère humide, poisseuse et déplaisante. On se serait cru dans un de ces films en noir et blanc d’Hitchcock. Ce qui convenait assez bien à la situation.

En effet, Bernard avait fait appel à Georges pour une enquête qui exigeait tact et discrétion. Ce pourquoi ils avaient préféré l’atmosphère glauque d’une rue mal éclairée par un réverbère à la lueur parcimonieuse à celle d’un pub plus chaleureux.

Bernard était le secrétaire particulier d’un membre de la famille royale, à savoir Lord Sacquenville. S’il avait contacté Georges, c’était pour enquêter sur les frasques supposées de la fille aînée de cette famille, Gladys. Il fallait absolument mettre au clair cette affaire, et si tout cela se révélait exact, œuvrer à un retour à la morale et à la réputation sans tache jusque-là de la famille. Lire la suite

Des bords, débords…

Des extraits de Les lisières d'Olivier Adam, les bords de ces extraits... d'autres textes...

Et il m’a serrée, n’a pas bu le vin que j’avais commandé. J’étais lovée, déjantée, visiblement ridicule, lèvres accessibles, ses doigts contrôlant quelques promesses. Nourrir la caresse pour faciliter la première avance.

RMQ

Depuis sa droite, il voyait son frère qu’il avait vu deux jours plus tôt sur le parvis. Nous avions ramené un coffre de vêtements. Derrière, son voisin autiste avait doucement quitté ses habits de la rue.

J’ai du, face à la meute absurde, livrer plus de tulipes avant de me rasseoir.

Sylvie

Un soir, je trouvais la mer retirée, comme une apparition qui toujours m’attirait. Seule, face aux limites du vide, vaincue, perdue dans les chemins remplis d’ombres de l’horizon, j’attendais la place intemporelle et vague d’où surgirait le sens. Un visage découpé sur le sable, d’un ancien ou d’un sage, j’aurais juré qu’il était là pour moi, qu’il m’attendait, présage d’un roman.

Annie Brottier

Débords, des bords de texte

Sarah, Manon et moi trépignions devant le paquet aperçu. Tout au long de la journée, forcément nous regardions ce paquet sur l’étal. Notre esprit, bien sûr, pendant ce temps, espérait.

C’est alors que j’empoignais le paquet de toutes mes forces. Je m’imposais, battais Sarah qui avait ri, puis j’ai traîné Manon qui me précédait.

Hein ! C’est que ce paquet ressemblait à un chien, et même il s’agissait d’un chien. Contre leur gré, je l’embrassais. Il existait.

Nicole

Depuis toujours, elle était vouée à être professeur de littérature. Ses enseignants n’avaient cessé de la presser dans cette direction, en raison de son intelligence et de la compréhension vraiment merveilleuse de ses lectures.

Mais ils blâmaient la légèreté de son esprit, car Manon mettait ses talents au service de petits morceaux de texte futiles.  Des conneries !  lui reprochaient-ils, qui n’étaient pas à la hauteur de ce qu’elle pouvait révéler si elle se donnait à fond. Pour elle, cela pesait comme une chaîne trop lourde.

Dominique Benoist

Le soir, j’avais comme toujours l’horizon de la mer et le vide vaguement rempli d’ombres et de presque apparitions.

Quelques places ou choses – le canapé – m’attendaient et gueulaient … comme si, les enfants retirés, nous avions toujours pensé à retrouver son passage.

J’ai attrapé un ancien roman. Lui pouvait me faire sortir, me faire franchir, résoudre les pensées.

Sylvaine Dockery

Une belle image décryptée

Tapisserie du Château d'Angers
Tapisserie du Château d’Angers

Mesdames et messieurs, voici une des plus belles images qu’il nous est donné de voir dans cette tapisserie. Après vous en avoir présenté les éléments, je vous dirai ce qui fut à l’origine de son inspiration.

Au centre de l’image figure Hippolyte. Comme on le voit, c’est un écrivain, manuscrit en main. Son récit requiert beaucoup d’imagination. Heureusement, il dispose de deux muses, lesquelles prennent en général l’apparence d’anges gardiens (heureuse initiative qui éloigne tout soupçon de la part de l’épouse d’Hippolyte, au caractère quelque peu jaloux). Cependant le fait qu’ils soient deux complique la vie d’Hippolyte, car chacun propose ses propres idées, pas toujours en accord avec celles de l’autre muse.

Hippolyte s’est d’abord tourné vers le petit ange qu’on voit à gauche et qui se nomme Gelas. Celui-ci est un peu vieux jeu, comme on le voit à son emblème, un rouleau de papier qui a précédé le volumen. Ravi d’être consulté, Gelas propose une intrigue très fleur bleue où il est question d’amours contrariées entre un chevalier et une douce bergère.

Hippolyte aime bien Gelas, mais il trouve le sujet quelque peu convenu, d’autant qu’il fait intervenir un dragon et que ce deus ex machina semble fort éculé.

A sa droite, Arille, l’autre muse, fait montre d’intentions plus ambitieuses. Ainsi il désigne de sa main droite un groupe de figures inquiétantes. Dans un premier temps, Hippolyte y verrait bien des diablotins, mais, à y regarder de plus près il y reconnaît les visages de quelques personnages connus.

Arille penche lui aussi pour une histoire d’amour (car rien ne séduit davantage le public) mais il se refuse à proposer pour obstacle quelque fleuve à franchir ou montagne à gravir. Tout cela lui semble mièvre.

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Entre couleurs et courage

Quel courage elles ont, celles qui marchent ainsi, toutes ces femmes si semblables et que ne distinguent que leurs foulards colorés, tous différents dans leurs teintes !

On les appelle folles. Ce sont des mères ou des grands-mères, le plus souvent.

Elles marchent tout autour de la place. La place de Mai. Joli nom, joli mois de printemps.

Devant Maria il y a Valentina, et Florencia la suit, et Anita, Angelina…

C’est la place de Mai, et pourtant parfois il pleut, il vente. Qu’importe, elles sont là chaque fois, régulièrement.

Parfois, les foulards sont mouillés, l’eau coule sur les visages. L’eau coule sur les pancartes.

Elles ne crient pas, elles ne chantent pas.

Elles sont là !

Elles témoignent.

Elles demandent des réponses.

Les policiers aussi sont là. Désormais ils n’interviennent plus. Il y a eu trop d’échos dans la presse à l’étranger.

Elles marchent, parfois elles se tiennent par la main.

Les foulards sont la seule touche de couleur, taches roses, vertes, bleues, orange, jaunes, ocre… Tout un arc-en-ciel de couleurs dans le jour gris.

Un jour elles gagneront ce qui peut encore être gagné : informations ou beaucoup plus, comme les retrouvailles avec un petit-fils arraché à sa famille.

Mais avant, il faudra marcher. Beaucoup. Longtemps.

Elles marchent.

C’est la place de Mai, toute en couleurs et toute en courage.

Dominique Benoist

Celui qui voulait partir

Les pétales bleu pâle jonchaient le sol, comme nous en voyions autrefois sur les chemins qu’empruntait la procession de la Fête-Dieu. Et c’était l’époque où il revenait à la charge.

Parfois des fidèles échangeaient un baiser lorsqu’ils se joignaient au groupe.

Ce geste intime aurait surpris dans bien des pays ; ici il n’était que le témoignage d’un partage sans ambiguïté.

Arrivés au calvaire nous nous dispersions et la plupart repartaient par les rues peuplées de matous sommeillant au soleil.

Ces énormes chats, souvent noirs, parfois roux ou encore rayés de gris, tenaient le haut du pavé et régnaient sur la rue plus que tout autre.

Parfois des rats se faufilaient entre les cageots abandonnés sur les quais.

Nous nous voulions indifférents, mais, malgré tout, ces animaux, insaisissables et qui narguaient les félins nous faisaient parfois frissonner.

Ainsi, notamment du fait de ce monde animal, le port paraissait presque surpeuplé.

Pourtant, quelque chose y manquait, sans que nous sachions vraiment quoi. En fait, je crois que c’était l’absence des femmes.

Celles-ci, dans la campagne, s’activaient aux cueillettes indispensables à l’économie locale et qui seraient ensuite rapportées au village.

Les noisettes, étalées à l’infini le long des routes, séchant au soleil, constituaient par leur vente, un appoint essentiel à ces pêcheurs que la mer ne suffisait plus à nourrir.

Ensuite, en fin d’après-midi, nous longions les quais, conscients que quelqu’un ne tarderait pas à nous rejoindre.

Nous savions qu’il ne manquerait pas d’arriver, présence inévitable et pourtant peu appréciée.

Il avait cette constance à venir, à chaque fois, malgré notre sourde hostilité .

Nous l’imaginions s’agaçant du silence qui l’accueillerait.

Quand enfin nous acceptions de le prendre en considération, il se dressait comme un coq sur ses ergots.

Il nous jetait des coups d’œil méfiants, hésitant, et pourtant il savait se faire entendre assez rapidement.

Il nous parlait d’Ankara, comme s’il était certain que nous l’aiderions à y aller.

D’Ankara, bien sûr, mais aussi d’Istanbul, car l’une et l’autre de ces villes lui importaient.

Enfin, il avouait d’un ton contraint, n’avoir pas les moyens de payer son voyage.

Alors nous levions les yeux au ciel, nous multiplions les mimiques offensées, nous exaspérant de cette scène trop souvent jouée.

Il affirmait alors avoir des relations en ville, prêtes à rembourser les frais que nous engagerions pour lui.

Nous dissimulions nos sourires entendus et gardions l’air sérieux, sans pourtant le croire ni penser un seul instant à l’aider, car nous le savions peu fiable et encombré de son rêve sans qu’il se donne les moyens de le réaliser.

Dominique Benoist

Un arc-en-ciel de foulards

Quel courage elles ont, celles qui marchent ainsi, toutes ces femmes si semblables et que ne distinguent que leurs foulards colorés, tous différents dans leurs teintes !

On les appelle « folles ». Ce sont des mères ou des grands-mères, le plus souvent.

Elles marchent tout autour de la place. La place de Mai. Joli nom, joli mois de printemps.

Devant Maria il y a Valentina, et Florencia la suit, et Anita, Angelina…

C’est la place de Mai, et pourtant parfois il pleut, il vente. Qu’importe, elles sont là chaque fois, régulièrement.

Parfois, les foulards sont mouillés, l’eau coule sur les visages. L’eau coule sur les pancartes.

Elles ne crient pas, elles ne chantent pas.

Elles sont là !

Elles témoignent.

Elles demandent des réponses.

Les policiers aussi sont là. Désormais ils n’interviennent plus. Il y a eu trop d’échos dans la presse à l’étranger.

Elles marchent, parfois elles se tiennent par la main.

Les foulards sont la seule touche de couleur, taches roses, vertes, bleues, orange, jaunes, ocre… Tout un arc-en-ciel de couleurs dans le jour gris.

Un jour elles gagneront ce qui peut encore être gagné : informations ou beaucoup plus, comme les retrouvailles avec un petit-fils arraché à sa famille.

Mais avant, il faudra marcher. Beaucoup. Longtemps.

Elles marchent.

C’est la place de Mai, toute en couleurs et toute en courage.

Dominique Benoist