Je ferme mes oreilles à toute évocation de problèmes financiers. C’est comme ça depuis longtemps. Je ne sais pas d’où me vient cette incapacité à supporter la moindre référence à l’argent, le moindre questionnement, la plus infinitésimale interrogation sur le montant d’une transaction quelle qu’elle soit et les éventuelles conséquences de déséquilibre financier qu’elle pourrait engendrer. C’est bien simple, aussitôt que le mot argent atteint mon oreille je l’associe au mot problème et je me ferme comme une huître apeurée, je change de sujet si c’est au cours d’une conversation, je raccroche brutalement si c’est au téléphone, d’un coup de télécommande rageur j’éteins la télévision, voyez-vous, je ne supporte pas ! Lire la suite
Annie Brottier
Nuit d’été
Aux herbes couchées je confie mon désir de m’allonger et de laisser mon esprit divaguer au gré des senteurs et des bruissements légers qui m’entourent. Les yeux mi-clos, je laisse la douceur de la nuit m’envelopper et me bercer et mon corps relâché se donne et se fond dans l’obscurité ouatée. Je ne sens plus qu’un flottement agréable, je suis poussière, graine légère attirée par les étoiles qui scintillent et m’invitent à les rejoindre dans leur ronde céleste. Lire la suite
L’infini à bâtons rompus
L’infini n’est ni fini ni défini
le fil de l’infini divague
les étoiles dansent à l’infini
A l’infini je rêve la nuit
Sans limites, l’infini s’enfuit
Lire la suiteToi…
Chère toi
Imagine-moi scotchée devant ce tableau du peintre El Greco que j’ai vu au MET hier après-midi. « Vue sur Tolède », simple paysage d’après le titre, mais quelle puissance, quelles forces déchaînées ! Aucun personnage et pourtant j’ai eu la sensation intense d’être face à une personnalité qui me happait, me frappait de plein fouet, et ce quelqu’un, c’était toi. J’ai vu dans les jets de bleus intenses et les noirs profonds du ciel ton regard, si glaçant, si froid, celui que tu m’as lancé ce fameux soir. Lire la suite
La face cachée
J’ai vu la Lune briller de mille feux
J’ai vu sa blancheur laiteuse
J’ai vu son disque oranger
J’ai vu son reflet sur la mer
J’ai vu ses effets sur la Terre
Mais jamais je ne verrai sa face cachée Lire la suite
Le sommeil m’emporte dans l’obscur de la nuit au-dessus des fougères dans les sous-bois ambrés d’où la colombe s’envole bercée par les chants lointains de l’orgue de barbarie des rues de Paris de mon enfance une douce mélodie qui soudain se brise au fracas du canon piège de mon sommeil envolé
Annie Brottier
La dernière heure
« C’est votre dernière heure » Séance d’écriture, invisible temps, imprévisible et pourtant. J’ai la tentation de laisser libre cours à des désirs qu’en aucun cas je n’aurais cru pourvoir assouvir, à des envies que jamais je ne me serais accordée le droit de satisfaire. Mais après tout, à la dernière heure, tout peut être permis, qu’aurais-je à perdre ? Autant en profiter à fond et partir avec un sentiment de plénitude, celui qu’on ressent à l’obtention d’un objet longtemps convoité ou à la réussite de l’épreuve qu’on redoutait. Lire la suite
La voix de la femme
Quelle personne met-on derrière une voix enregistrée ?
Profonde et chaude, chatoyante en modulations, la voix de la femme m’entraîne dès l’instant où je l’entends, dans son monde intérieur, dans le moment de sa vie qu’elle raconte et décrit. Sa voix est posée, elle n’a pas d’âge et s’écoule sans heurts, pourtant ponctuée d’arrêts qui marquent l’intensité des mots. Je sens qu’elle a vécu cette femme, qu’elle a souffert et je devine son regard intense et ses paupières ourlées de longs cils noirs. Lire la suite
Je touche, je tâte…
Je touche, je tâte… la forme générale ? Plutôt rectangulaire. Un objet froid que je retourne. Ah, un creux , rugueux par endroits. Mon doigt accroche, sensation désagréable comme la râpe à gruyère. Je sens presque la douleur de la peau arrachée et le sang qui perle. Souvenir récent d’un épluchage. Au fond de cette cavité la surface est toujours râpeuse et je m’en extirpe avec soulagement. Rien d’autre apparemment à voir, enfin à sentir. Lire la suite
Regrets

Enki Bilal expose ses fantômes au Louvre (2013)
Comtesse Maria del Carpio (F.Goya) et les jumeaux
Elle les avait rêver si souvent qu’elle n’en avait plus peur, qu’elle aurait pu les presser sur son cœur sans craindre de devoir se cacher de la servitude de son entourage, un entourage écrasant, étouffant auquel elle avait dû toute sa vie se soumettre. Née marquise de la Solana, la petite Maria avait grandi dans le monde aristocratique de l’Espagne du XVIIIème siècle, aux mœurs sclérosantes et aux codes stricts auxquels il fallait se plier sans conditions. C’était une enfant vive et riante que les maîtres chargés de son éducation avait peiné à maintenir en place tant elle débordait d’imagination et de vitalité. En grandissant elle s’était assagi intégrant le modèle qu’on lui assignait. Cependant bouillonnaient toujours en elle le désir de liberté et l’envie de suivre un destin différent. Lire la suite
