JEUNESSE EN FUITE

Ils s’étaient installés depuis peu dans une caravane abandonnée sur un terrain vague.

Elle, étudiante avait arrêté ses études de lettres après l’avoir rencontré. Lui jeune écologiste passionné lui avait montré une autre voie que celle qui lui était toute tracée. Les parents de la jeune fille, profs tous les deux avaient rêvé que leur fille fasse comme eux et qu’elle enseigne à son tour. Elle avait le goût de la littérature mais ne se rêvait pas enseignante ; écrivaine peut-être, journaliste… globe trotter quelque chose en rapport avec l’écriture, les livres ou les voyages.

Sa vie avait basculé quand elle l’avait rencontré. Grâce à lui, elle s’était dépouillée du carcan des passages obligés et des chemins bien balisés. Elle avait envie de vivre autre chose, loin des sentiers battus, la belle maison, les enfants, la consommation. A quoi bon s’endetter pour ces faux-semblants de bonheur. Lire la suite

Calme-toi…

Par cette journée radieuse de juin, les enfants étaient autorisés à jouer dans le jardin. Ils s’étaient éparpillés dans tous les coins et l’air vibrait de leur agitation désordonnée. Cris et bousculades des uns, pleurs et jérémiades des autres, disputes, réconciliations d’enfants ordinaires mais pas tout à fait comme les autres, réunis dans cette maison d’accueil pour un temps indéterminé. Chaque cas était différent et demandait une étude et une attention particulière. On faisait grand cas de cet établissement dont la notoriété dépassait maintenant les frontières. Toutes les solutions, tous les traitements étaient envisagés, réfléchis, testés puis tentés pour chaque enfant séparément. Ce jour de printemps précisément faisait partie d’une expérience de mise en collectivité sans surveillance individuelle et fut écourtée rapidement au vu de l’agitation croissante que ce premier essai avait provoqué. Une équipe se chargea de battre le rappel et rassembla les enfants pour rentrer. Lire la suite

Ma vie dans un squat (et sa fin)

Dans cet endroit hors du temps, je me réveillai avec le cœur qui cognait très fort. Dans ma tête les résidus d’un cauchemar qui me laissait transpirant et tremblant ; je mis un certain temps à me demander si j’avais rêvé ou bien si c’était réellement arrivé.

L’idée de me faire virer du seul endroit qui me permettait d’être un peu à l’abri me donnait sans cesse des sueurs froides.

Parce-que vivre dans l’illégalité, sans droit ni titre, était un quotidien fatigant et stressant, j’avais la sensation constante d’avoir un couperet au-dessus de ma tête.

Je n’arrivais à me calmer que lorsque je créais.

Au premier étage de cet immeuble Berlinois occupé illégalement peu après la chute du mur, vivait un groupe d’artistes dont je faisais partie. Les murs extérieurs étaient recouverts de graffitis, œuvres d’art colorées, évocatrices d’un passé que nous voulions oublier. Ici j’avais trouvé des amis, en tout cas des compagnons de vie comme moi un peu perdus, mais surtout révoltés contre une société dont nous ne comprenions plus le sens. Lire la suite

Délivrances

L’arrivée du train de Brive se fit dans un bruit inquiétant présumant de l’état des wagons et de la vétusté des voies. La gare n’accueillait qu’un groupe de cinq personnes, serrées les unes contre les autres, visages fermés dans l’attente. Un homme âgé jouait avec les clés de sa voiture (une BMW), un couple se serrait tendrement, deux jeunes enfants l’entouraient les visages noircis par des coulées de larmes poussiéreuses.

Une jeune femme élégante descendit le marchepied, poussa un cri strident d’enfant excité, salua à grands renforts de gestes et s’approcha du groupe. Personne ne bougea et rapidement son humeur joyeuse stoppa au regard des attitudes fermées de tous. Ils n’avaient pas changé. Lire la suite

Le fuyard

Au milieu de la basse cour, le coq salue les premières lueurs du jour. Un jour comme les autres ? Pas tout à fait. Le chant du coq est suivi de l’aboiement des chiens nerveux, excités.

Dans sa chambre, l’homme alerté par leur chahut inhabituel se lève rapidement, ouvre la fenêtre et à travers les persiennes observe la place du village.

Rien ne bouge et pourtant il lui semble que le glouglou de la fontaine soit plus précipité que d’habitude. Le regard fixe, l’homme observe le chat noir des voisins qui contourne la fontaine, il presse le pas pense-t-il, non, vraiment il se passe quelque chose. Lire la suite

Chemin du garde forestier

Tout en cherchant à réveiller un souvenir éphémère, qui semblait à ce jour enfoui au plus profond de lui-même, Olivier se surprit en tenant ce raisonnement : trouver du bois de chauffage, en faire la coupe personnellement, est une opération rentable, qui plus-est, voilà une saine occupation, je vais demander à mon ostéo, si cette activité est compatible avec mes problèmes lombaires.

A dire vrai, Olivier n’aurait jamais entamé ce processus si, un autre élément de l’annonce n’avait retenu son attention. En réalité, la maison des Essarts représentait un lien probable avec un passé inconnu de lui, mais qui pourtant, l’incita sans plus de réflexion à acquérir le lot. Acheter une tronçonneuse, est à la portée de tout le monde, mais fouiller l’insondable, n’est pas à la portée de tous. Lire la suite