Thanatopracteur en cavale….

Qu’est-ce qui m’a pris ? Pourtant tout allait bien. Je vous explique :

Je venais d’intégrer le service dont je rêvais depuis longtemps ! Mais voilà depuis quelques mois tout a basculé. L’activité a considérablement augmenté, ils sont obligés de recruter massivement depuis la mise en place de cette loi au titre prometteur Mourir dans la dignité….

Le candidat à la mort programmée se presse à la porte du service. Une noria d’infirmières séduisantes le bichonne, l’écoute, l’entraîne vers une fin heureuse et sans douleur. Quand enfin il s’abandonne et s’embarque vers le nirvana espéré, je suis là pour recueillir son dernier souffle et pratiquer les rituels exigés et prévus depuis des décennies dans nos traditions. Je prends le temps, je ne le mesure pas, hors des contingences d’un monde calculé, planifié, aseptisé, monde aveugle, monde sans âmes. En peu de temps ma mission a basculé dans un vide abyssal. Rattrapé par le rendement, je dois accélérer les rites de purification. On a même crée un site où les familles du défunt se rendent pour organiser la cérémonie, choisir ce qui convient, (profiter de la promo du jour), acheter un Pass spécial vie éternelle, je ne comprends plus rien. Le nombre de décès augmente jour après jour, je n’ai pas vu venir, occupé que je suis à cette intimité avec la fin de la vie. Je ne supporte pas cet escamotage. On ne prend pas le temps de vivre, on dérobe subtilement le moment de mourir.

Alors, basta, c’est décidé, je prends la fuite. Je traverse le Nil et vais me perdre, dans la roselière, rejoindre à mon tour le monde des morts sans sépulture, sans rituel. Sans oublier mon âme : elle n’est pas à vendre. Ah ! J’oubliais, je m’appelle Anubis, patron des embaumeurs sacrés de l’Égypte éternelle !

M.Odile Jouveaux

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