Ne coupe pas le moteur !

Julietta est arrivée au volant d’une vieille Torpédo décapotable, les cheveux et son foulard dans le vent. Elle a longé l’allée de tilleul et s’est arrêtée devant le relai de chasse où l’attend Nino. Elle attrape une petite valise sur la plage arrière. Il fait beau et chaud. Les fenêtres sont ouvertes d’où s’échappe Les 4 saisons de Vivaldi. En sautant de sa voiture, elle laisse le moteur allumé, de peur de ne pouvoir redémarrer.

Elle Klaxonne, lorsque du premier étage, Nino a aperçu Julietta, il descend l’escalier pour l’accueillir sur le pas du perron. Elle l’embrasse et lui tend la valise. Tout à coup, le moteur de la voiture se met à vibrionner comme s’il perdait du régime. Julietta se précipite, Nino lui dit : « Surtout ne coupe pas le moteur… », Julietta se remet au volant et appuie sur la pédale de l’accélérateur. L’essence afflue dans le carburateur, celui-ci se met à gronder puis dans un élan, la voiture soubresaute et retrouve son ronronnement habituel. Elle décide alors de la faire rouler un peu autour du pâté de fleurs ornementé en son milieu d’une fontaine décorative. Ce tourbillon produit sur Julietta la sensation de valser au son du beau Danube bleu, elle se laisse aller en tournant plusieurs fois autour de la fontaine en rêvant. Le cliquetis des pistons et le glissement des roues sur le sol lui rappellent La valse à mille temps qu’elle a dansée avec un joli garçon, il y a peu de temps. Elle se laisse aller à rêver, lorsque dans un dernier tour, elle se retrouve sur le plan de terre écrasant les fleurs où elle évite de justesse la collision avec la fontaine. Tout cela, l’espace d’un instant, en deux temps et trois mouvements… Plus de peur que de mal, le moteur ne s’est pas arrêté. Confuse, elle fait une marche arrière et s’excuse auprès de Nino d’avoir endommagé ses fleurs. L’émanation de l’essence dans cette manœuvre a donné le vertige à Julietta et ce moment d’inattention lui rappelle son imprudence. Nino lui conseille de rester prudente. La route va être longue. Il ne peut l’accompagner. Regardant sa montre, en effet, elle doit partir. Elle a rendez-vous à Deauville où elle participe à un concours d’automobiles. Elle espère gagner ce challenge et surtout le premier prix. C’est grâce à l’héritage de son Oncle d’Amérique qu’elle a pu s’y inscrire. En effet, ne vous y trompez pas, c’est une experte en mécanique et folle des voitures de course. C’est pourquoi, après son héritage, elle a négocié avec Nino, la moitié de la somme estimée de cette vieille carrosserie, contenue dans la valise. Elle compte bien gagner et remplir ses caisses grâce à la plus belle voiture ancienne qu’elle affectionne et bichonne depuis longtemps. Avant de repartir, elle lève le capot pour récupérer une manivelle, frappe avec, vers le bas sur un piston du moteur. Le mélange d’air et d’essence l’avait comprimé. Une étincelle jaillit de la bougie puis, la douce musique du moteur tournoyant digne de la valse en ré bémol majeur de Chopin la fait sourire. Nous sommes prêts dit-elle, pour continuer l’aventure. En reprenant le chemin des Tilleuls à l’envers, elle aperçoit Nino dans le rétroviseur, resté au pied des marches, la valise à la main. Il lui fait au revoir avec son foulard oublié. Tant pis, se dit-elle, pas de temps à perdre, elle lui répond d’un signe de la main et faisant vrombir le moteur, comme l’ouragan emportant la poussière, elle disparait dans un nuage, direction Deauville.

MarieThé

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