Itinéraire des sons de mon histoire

Les premiers bruits dans mes souvenirs, c’est dans ma petite enfance. Nous habitions alors une petite maison au bord d’un gave, celui de Cauterets avant qu’il devienne celui de Lourdes puis de Pau… C’était un torrent tempétueux descendant de la montagne au-dessus de notre village.

Et ce gave pouvait faire grand bruit, et ces bruits me faisaient peur, surtout lorsqu’il fallait aller aux toilettes, aux pichadets, à savoir une petite baraque juste au-dessus du fameux gave.

Le gave sonnait, tonnait, grondait, roulant les cailloux qui s’entrechoquaient. Quel tumulte sous mes fesses !

Chasse d’eau en continue ! Faut dire que l’écologie n’était pas encore à la mode…

Toujours dans l’enfance et toujours dans ce fond de vallée, j’aimais regarder et entendre l’orage surtout le soir quand la nuit est presque tombée. Et si vous connaissez la région les orages y sont fréquents et violents, tant pis pour les campeurs.

Alors je me plantais devant le garage et je m’émerveillais. Un coup de tonnerre sur le Cabaliros, et boum ! Il résonne en face sur la Viscos. Clac ! L’éclair se fracasse sur le Nerbiou illuminant les ruines du château de Beaucens qu’on dirait hanté. L’orage nous entoure, nous cerne de toutes parts.

Sensations étranges devant cette puissance, frissons devant la force dégagée, émois devant tant de beauté tout s’éclaire, tout s’illumine. Le chao sonore précède la lumière. Le jeu était alors de deviner quand et où l’éclair allait surgir.

Autre bruit de ce temps-là, bien ancré dans ma tête : les sonnailles et cloches des brebis et des vaches dans les prés, au-dessus de la maison avant leur montée aux estives et en automne après la St Michel lorsque les troupeaux redescendent.

Elles tintent, carillonnent, tintinnabulent, que sais-je encore ? De surcroît, les brebis bêlent, ne respectent pas leur partition, elles s’ébattent dans le pré sans écouter le pupitre d’à côté.

Chaos polyphonique animal.

Sons de l’enfance et sons de toujours. Rien n’a changé. Soixante ans après, elles étaient encore là lors de mes dernières vacances.

Les skis sur la neige. Ah quel bonheur ! Un son si doux à mes oreilles. En fait… pas si doux.

Splash à droite et splash à gauche à chaque virage lorsqu’on soulève la pellicule de neige fraîche pour atteindre la partie plus dure qui entraîne la vitesse.

Ça siffle et ça crisse lorsqu’on file droit pour atteindre les meilleures sensations de glisse, de vitesse, tout schuss nous criait notre moniteur préféré surnommé Papa Shussssss.

Il y a aussi les bruits du stade où on allait voir les copains jouer au ballon… dans ces lieux où même les mémés aiment la castagne. On applaudit, on insulte, on invective parfois à coup de parapluie. On chante aussi beaucoup.

Quittons l’enfance.

Quarante ans de lycée, la craie qui crisse sur le tableau noir et les élèves qui râlent parce que cela fait mal aux dents… le son de la cloche, début du cours, on rentre, fin du cours, non, vous ne sortez pas, je n’ai pas fini ! , la pause, on reprend, on se calme… Le son a changé, du dring strident à  l’annonce d’aéroport ding, ding, ding. Le son a changé mais il est resté, rythmant la journée, s’insérant en permanence dans nos tympans. Je crois bien l’entendre encore parfois.

Le loir ou la fouine ou… Enfin, cet animal qui s’amuse dans les combles de la maison, au-dessus de ma tête quand je suis dans mon bureau, dans le rabat-grain dans les chambres du haut, qui réveille la nuit et donne des envies de tout casser comme dans le film Les petits mouchoirs de Guillaume Canet. Cet animal, cette famille, cette garnison, nous nargue, court, saute, tressaute, danse, joue aux billes avec les noix qu’ils nous volent de temps en temps. Depuis le temps ils ont dû déguster toute l’isolation et transformer la maison en passoire thermique…

Parfois, quelques temps calmes, sont-ils morts, partis, ces bruits nous manquent presque.

Le bruit de la feuille de papier alu qui entoure la tablette de chocolat, feuille alu qui ne sait pas se faire discrète lorsque je la déplie pour assouvir une envie irrésistible mais coupable.

Des bruits que l’on aime parce qu’ils annoncent le voyage : les halls de gares ou d’aéroports, brouhaha de conversations, de charriots ou de valises que l’on tire, d’annonces pour des départs imminents les passagers du… sont attendus porte … ou quais ….

C’est où, faut courir un peu. Excitation, exaltation…

Les bruits de l’eau, les torrents, les cascades, c’est puissant. La mer, la houle qui cogne la coque du bateau, c’est lancinant. Le ressac sur les rochers, sur les galets, c’est entêtant. La mer qui vient mourir doucement sur la plage, c’est apaisant.

Et tous les autres, qui ne m’ont pas inspirée aujourd’hui mais qui ont rythmé ma vie.

Nicole

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