Mémoire sonore

Mercredi matin, vers huit ans… sept ans… ou neuf ans.

  • Clap ! claps ! Le clap clap feutré des chaussons qui montent l’escalier, léger bruit toutefois, souple et rapide.
  • Ziiiip ! Un zip, deux zips, la tridule des anneaux qui glissent sur leurs tringles, ma mère tire les doubles rideaux.
  • Woulf! les draps qui bruissent, cotonneux comme bruirait un petit lapin de dessous sa maman. Dernier emmitouflage, ultimes secondes d’un confort douillet.

  • 8h et demie, les garçons ! Ça résonne. Vous avez fait la grasse matinée, on se lève maintenant !
  • Gloub, gloub gloub ! L’eau randouille dans la marmite. FFlush ! Elle rejoint la lessiveuse.
  • Criiiis ! Le tisonnier est entré en contact avec la plaque amovible de la cuisinière
  • Bong. Cong! Déboulade sonore du charbon qui dévale du seau, s’en allant étouffer momentanément le crépitement des flammes.
  • Criiiis ! Bruit métallique de nouveau, le tisonnier refait glisser la plaque de fonte dans son logement.
  • Scrak ! Bruit de grignotage, pirouette-cacahuète, mais pas d’écureuil dans la maison, seulement le bruit du grain qui se fait broyer dans son moulin.
  • Iiiiii ! Et ça grince sur les tomettes, pensez-bien ; trois garçons qui tirent leur chaise, les chaises qui raclent le sol.
  • Scrunch. Scrotch ! Poiing ! Bruits de bouche, de cuillères dans les bols, ça déjeune.
  • Iiiiii ! Et de nouveau, ça racle le sol. Le déjeuner se termine.

Quartier libre, demi-heure, papotage, piaillage, conciliabule, chicane, on prépare l’après-midi. Puis chacun dans son rôle, avec un roulement journalier. Daniel aidera à la vaisselle, bruits de vaisselle, clapotis. Alain fera ses devoirs sans bruit, dans la pièce d’à côté. Je sors pour ma part, retrouver ma tâche préférée ; couper le bois.

  • Clang ! La porte de l’arrière-cuisine s’ouvre en force, gonflée d’humidité.
  • Ouaf. Ouaf ! C’est Bouboul, notre Loulou noir qui se manifeste.
  • Tag taq taq ! Bruit de chaine, la chaine de Bouboul qui s’égrène le long de sa cabane. La caresse, première tâche sur mes habits, les pattes du chien.

Et puis le tas de bois, la scie, la hache, la hachette, la serpette. Ah ! la serpette, mon instrument préféré, mon bruit préféré qui au fil du temps peut jouer des arpèges :

  • Clac clac clac ! clac clac ! clac clac clac ! Virtuosité dans le geste, jamais de doigt coupé, le chant du sapin, une sonate. Et, le petit lou qui s’empile, petit bois qui résonne de sa propre musique.
  • Cling, clang, clung! Tintement léger, du petit bois qui choit du billot, à chaque petit lou, résonne sa propre note de musique. Des touches de piano en liberté, une heure de sainteté.

C’est à mon tour, de m’atteler à mes devoirs d’école.

  • Ouaf. Ouaf ! Je repasse devant Bouboul, qui jappe de plaisir.

Didier d’Oliveira

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