Des sons jalonnent mon histoire

Des sons jalonnent mon histoire, des bruits, émanations de vie, séquences furtives surgies d’un espace de cerveau oublié, tapies dans un coin obscur de ses circonvolutions, à l’affût d’un rappel qui soudain me secoue sans prévenir. Il suffit que j’entende les premières notes du carillon de Westminster pour me retrouver gamine, plantée devant l’horloge murale de ma grand-mère, à suivre avec fascination l’oscillation régulière du balancier, à écouter le tic tac, tic-tac qui égraine les secondes.

Le quart, un coup, la demie, deux coups, et à chaque heure, l’apothéose, le carillon que j’écoutais l’oreille collée au coffrage en bois, un son profond, grave dont je sentais les vibrations sur ma joue. Ces dimanches de mon enfance c’est aussi le bruit du métro, crissement des roues sur les rails, sifflements stridents. Ils restent pour moi un bercement,  une mélopée, celle des wagons qui filaient à toute allure dans les tunnels obscurs. Ce qui est tintamarre, un brouhaha insupportable, un boucan assourdissant pour beaucoup est dans mes souvenirs une atmosphère chaleureuse, enveloppante, un doux état de somnolence où je suivais des yeux les fils électriques qui ondoyaient le long des murs.

Armstrong , premier chanteur dont j’ai su lire le nom sur la pochette de disque, premiers émois musicaux au son de Swing low, sweet chariot chanson que ma mère nous faisait écouter le matin avant l’école. Sa voix si profonde et chaleureuse me ramène à ces moments privilégiés où nous l’écoutions, plantés devant le meuble radio tourne-disque flambant neuf acheté pour Noël.

Plus aucune musicalité, plus d’agrément dans les bruits secs, ceux qui font sursauter, klaxon intempestif, coups de feu, porte qui claque. Ces bruits-là m’agressent plus que de raison, ils me dérangent, ils m’angoissent. C’est peut-être le souvenir indicible, inscrit dans ma chair de la claque que j’ai reçue sur les fesses, de la claque qu’on a fait endurer à mes oreilles à peine sortie du cocon ventral de ma mère. Il fallait s’assurer que que je n’étais ni sourde, ni handicapée. Et bien je suppose que j’ai rassuré mon monde … à moins que ?

Annie Brottier

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