Les places 

Entourée de peupliers, éclairée par le soleil, elle se dresse au milieu d’un village qui sent bon la lavande. À cet endroit, le reflet des feuilles danse sur le sol éclairé de la lumière d’été. Toutes les rues aux alentours y aboutissent et les touristes s’y retrouvent pour y consommer une boisson fraiche ou un café. Quelques-uns d’entre eux y circulent pour longer les boutiques avoisinantes. L’un d’eux vient d’attraper un maillot bain sur le portique posé devant, sur l’un des trottoirs. Une estrade est installée sur l’un de ses coins, entourée de chaises empilées prêtes pour la fête car il y a bal tous les soirs.

Combien de personnes ont marché, couru, diné, dansé, se sont embrassés ? Telle une ruche, tout le monde y passe, y compris pour faire son marché. Là où les places grouillent, à la vitesse d’un film en accéléré on voit la vie défiler, on entend les rires, parfois les pleurs et les cris des badauds. Insouciante place tu vieillis, tes dalles s’usent par l’érosion du temps qui passe, balayées par les pluies, les feuilles d’automnes et la fonte des neiges. Certains pavés tout autour se décollent ou ont été décollés. Ça me rappelle, cette place appelée place de la Rougemare où en effet le sang a coulé dans l’histoire. Cette place chère à mes souvenirs car il fut un temps où j’y habitais. Cette place au cœur d’une ville du Moyen-Âge, tapissée de gros pavés, bordée d’une route et d’un parking permettant de rejoindre une chapelle désaffectée transformée en théâtre au cœur de ce lieu. Les clochards y ont longtemps élu domicile sur les bancs aujourd’hui disparus.

Si ces places pouvaient parler, elles raconteraient des histoires de vie et celles du village, parfois à dormir debout. Celle-ci témoignerait de son histoire, du temps où les calèches ont façonné sa route, où il ne fallait pas s’y promener trop tard car l’époque était malfamée. D’autres y ont rencontré l’amour car à l’angle d’un de leurs murs, dans un lieu discret, y sont gravés des lettres incrustées parfois dans un cœur pour l’éternité. Ces inscriptions, m’évoquent celles  sur un chêne bicentenaire situé en plein milieu de cette petite place de la Grèce du Nord où vous accédez à un panorama plongeant sur les gorges de Vicos et où la chaine de montage au loin borde la frontière de Yougoslavie et Bulgarie. Un lieu d’accueil bordé d’un restaurant et ses chambres d’hôtes accédant sur le parvis de la place où vous pouvez vous installer à l’ombre d’un chêne. C’est là que j’ai rencontré ses habitants et que j’ai vu un enfant et son père remplir un seau de terre au pied de ce chêne, car ici, il n’y a pas de sable pour construire un château. Cette place isolée du monde, dans sa simplicité, éveille les consciences – le temps de s’y arrêter – et vous procure l’espace d’un moment un peu de calme et de sérénité.  Les joueurs de boules ne s’y activent pas mais les vieux du village y discutent en soirée à l’abri de la télé. Les places sont vivantes, l’une rappelle l’autre, elles présentent quelques ressemblances, un parvis, une église à proximité, un arbre ou quelques arbres, un lieu de rencontre où les enfants grandissent et la vie défile.

MarieThé

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