Les gares

LES GARES

 

Lieu où des milliers de gens

Se croisent sans se connaître

Files de fourmis pressées

Rivières aveugles

Dans les salles des pas perdus

Refuge des paumé.es et des exclu.es

Dans les couloirs obscurs

Sous la grosse horloge

Rencontre des amoureux

Des rendez-vous manqués

Horloges mécaniques

Des amas d’Arman

Temples du temps compté

Du temps contraint

Du retard et de l’avance

de l’aller et du retour

Gares énormes, bruyantes, stressantes

Bourdonnantes, puantes, suantes

Ou bien petites, désertes,

Halls vides, remplis, empilés

Pleins de courants d’air

De nids de pigeons

Dégoulinant de fientes

D’hirondelles filantes

Escaliers sans fin

Certaines cachaient, derrière

les géraniums rouges aux fenêtres,

Des douches meurtrières.

Attente, attente …

Partir

Promesse d’ailleurs

Dans un autre monde

la gare d’Afrique, ouverte à tout vent,

Dans une chaleur moite

chèvres et poules, dedans dehors,

Vendeurs, vendeuses à la sauvette,

Femmes en boubous assises par terre

derrière des pyramides de mangues

A la sortie une horde d’hommes-taxi

harcèlent les touristes.

Autre soleil, autre gare

Perdue dans la garrigue, déserte.

Deux lignes enjambées

Par une passerelle mécanique

Dans le sud provençal

Une trouée dans la nature

La gare TGV, toute rutilante, neuve

Vitres partout et escaliers mécaniques

Paris Marseille en 3h !

Ailleurs les petites lignes désaffectées

 

Les gares abandonnées

Leurs rails rouillés

Leurs traverses envahies par les orties

Et les herbes folles

Certaines se reconvertissent en bar

En brocante, en station de vélo rail,

En départ de canoé kayak

Elles ne regardent plus passer les trains

Mais les vélos sur une une allée verte

Gare où mon père a travaillé

A la consigne si longtemps

Il racontait le soir tout ce qui

Transitait par là : des animaux vivants

Des chiens, des chats, des tigres, des serpents ;

Toutes sortes d’objets que les gens

Ne venaient jamais chercher

Maintenant il n’y a plus que des casiers

Image paternelle de la gare d’antan

Époque glorieuse du cheminot

Dominique Pierre

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