Horizons, songes et mensonges…

 

Au premier plan, une longue planche posée sur les vaguelettes figées d’un sable blond parsemé de cailloux. Une dalle de béton d’un bâtiment inachevé contre une maison de bois entourée d’objets éparpillés, abandonnés là en désordre : un poteau renversé, un tuyau d’arrosage déroulé, un grand pot de fleur en terre posé à l’envers sur un piquet. Une table en tube et plateau de bois avec son banc soudé, peut-être un banc d’écolier. Sur la table est posé un objet qui ressemble à une paire de jumelles. À droite de la table, un sapin projette une ombre noire sur un rouleau de fil de fer rouillé. Derrière le bâtiment, en partie dissimulé, un gros pick-up rouge métallisé. Plus loin au second plan, le terrain s’élève peu à peu, planté de buissons rabougris, jusqu’à l’horizon blanc de poussière et de chaleur, hérissé de poteaux électriques, peut-être une ligne de chemin de fer.

La lumière est blanche, aveuglante, les ombres sont courtes. Il est midi.

Longtemps tu as fixé au loin la ligne de rencontre entre la mer et le ciel, guettant le surgissement d’un vaisseau qui entrera au port, chargé de trésors, attendant chaque matin avec soulagement la lente émergence du soleil, parfois hors de l’océan, parfois derrière le trait déchiqueté des montagnes.

D’où vient ce navire ? Et le soleil, qu’a-t-il éclairé avant de plonger dans la sombre vallée où tu es né ? De riches contrées de contes et de légendes ? D’étranges villes hérissées de tours de cristal ? Tu finis par te décider à aller au-devant des rêves et espoirs que ces spectacles font naître en toi. Mais l’horizon recule, il se dérobe, longtemps, gardant son mystère toujours. Tu te décourages. Peut-on tourner le dos à l’horizon ? Non. Devant toi à nouveau, le voilà, fermant ton univers, mais c’est toujours un appel entêté à le dépasser, à te dépasser. Celui qui brandit un drapeau a-t-il le regard fixé sur l’horizon ? Et la femme portant sur sa tête un lourd fardeau qui s’amenuise puis disparaît derrière un repli de terrain en semant un flocon de poussière, quel est son ailleurs ? Et le marin au cap Horn, devant l’énorme masse liquide et mouvante qui se dresse devant lui haute comme un immeuble raconte-t-il devant un public de terrien, sait-il où trouver son horizon ? Que dire de l’oasien assoiffé qui se précipite vers le lac tremblotant brusquement apparu au loin, bordé de pâles silhouettes de palmiers ?

Ce sont songes et mensonges d’un horizon implacable.

Danielle Fayet

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